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Absence de requalification en contrat de la commande publique d’une cession d’un bien immobilier d’une collectivité territoriale

03 octobre 2016

Par un arrêt en date du 18 juillet 2016, la Cour administrative d’appel de Bordeaux considère qu’une cession de parcelles consentie par la commune à un aménageur n’avait pas à être précédée d’une procédure de publicité et de mise en concurrence eu égard au caractère très général de ces orientations et du projet d’aménagement présenté.

Pour mémoire, la cession d’un immeuble du domaine privé d’une collectivité territoriale n’est pas soumise à une procédure de publicité et de mise en concurrence (CE 26 octobre 1994, Monier, req. n° 121717 ; CAA Bordeaux 5 mai 2014, Mme A., req. n° 12BX02210), à la différence des immeubles du domaine privé de l’Etat (article R. 3211-2 du Code général de la propriété des personnes publiques). Cependant, ce principe de libre cession ne s’applique pas lorsque le contrat de vente dissimule en réalité un contrat de la commande publique.

Confrontée à cette problématique, la Cour administrative d’appel rejette toute qualification de contrat de la commande publique : « Si la cession de la parcelle AD 502 a été accordée à celui des candidats acquéreurs ayant présenté le projet d’aménagement dont le conseil municipal a considéré qu’il correspondait le mieux aux orientations qu’il avait fixées, l’opération litigieuse, eu égard au caractère très général de ces orientations et du projet d’aménagement présenté, ne peut être regardée comme ayant principalement pour objet de confier à l’acquéreur la conception ou la réalisation de travaux qui répondraient à un besoin d’intérêt général préalablement défini par la collectivité, qui à ce titre aurait été assujettie aux obligations de publicité et de mise en concurrence résultant des principes généraux du droit de la commande publique ou aux procédures du marché public ou de la concession d’aménagement. »

Cet arrêt appelle deux brèves remarques.

Premièrement, c’est sans surprise que le juge administratif écarte en l’espèce la qualification de contrat de la commande publique. En effet, lorsqu’un contrat comporte à la fois un objet immobilier et un objet de travaux, deux éléments doivent notamment exister pour le qualifier de contrat de la commande publique : (1) il doit avoir pour objet principal la conception ou la réalisation de travaux (pour des exemples récents : CAA Douai 25 octobre 2012, Société immobilière Carrefour, req. n° 11DA01951 ; CAA Nantes 19 septembre 2014, Communauté de communes de Vire, req. n° 12NT02593) ; (2) il doit répondre à un besoin de la collectivité, qui aurait en ce sens défini précisément les caractéristiques de l’ouvrage (CJCE 29 oct. 2009, Commission c/ Allemagne, Aff. C-536/07, § 58). En l’espèce, la qualification de contrat de la commande publique n’est pas retenue par la Cour eu égard au caractère très général des orientations de la commune et du projet d’aménagement présenté.

Deuxièmement, il est intéressant de remarquer que la Cour vise, au titre des exigences de mise en concurrence, les principes généraux du droit de la commande publique, ne se limitant ainsi pas aux catégories contractuelles existantes. Une telle référence fait notamment écho à l’arrêt Commune de Rognes rendu par la Cour administrative d’appel de Marseille, dans lequel le juge administratif avait soumis une cession d’un immeuble du domaine privé d’une collectivité territoriale aux principes généraux de la commande publique (CAA Marseille, 25 février 2010, Commune de Rognes, n° 07MA03620). Dans cette affaire, les critères du marché public de travaux étaient remplis à défaut du caractère onéreux de la cession, la qualification de marché public de travaux apparaissait exclue en l’absence de caractère onéreux de la cession, intervenue au prix du marché. Ce faisant, suivant les conclusions du rapporteur public Frédéric Dieu et dès lors que la cession s’accompagne de la réalisation de travaux selon des spécifications précises imposées par la commune, la Cour administrative d’appel soumet l’opération aux principes généraux de la commande publique (F. DIEU, « Obligations liées à la cession de biens du domaine privé d’une commune assortie d’une obligation de travaux », AJDA, 2010, p. 1200).

Références

CAA Bordeaux 18 juillet 2016, Société Lory, n°15BX00192

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