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Annulation de la déclaration d’utilité publique des travaux nécessaires à la réalisation de la LGV Poitiers-Limoges

29 avril 2016

Par une décision du 15 avril 2016, le Conseil d’État annule le décret du 10 janvier 2015 déclarant d’utilité publique et urgents les travaux nécessaires à la réalisation de la ligne à grande vitesse « Poitiers-Limoges » entre Iteuil (Vienne) et Le Palais-sur-Vienne (Haute-Vienne) et emportant mise en compatibilité des documents d’urbanisme des communes concernées.

Le Conseil d’État, saisi en premier et dernier ressort de recours pour excès de pouvoir formés par plusieurs associations et collectivités territoriales contre cette déclaration d’utilité publique, qui devait permettre de procéder aux expropriations des parcelles nécessaires à la réalisation des travaux, ainsi que d’assurer la prise en compte de ces travaux dans les documents d’urbanisme des communes concernées, a prononcé l’annulation de cette décision en se fondant sur deux motifs d’illégalité.

Premièrement, le Conseil d’État constate l’irrégularité de la procédure suivie. En effet, le code des transports impose que les grands projets d’infrastructures fassent l’objet d’une évaluation économique et sociale qui doit être jointe au dossier de l’enquête publique à laquelle est soumis le projet. Or, si le dossier d’enquête publique du projet de ligne à grande vitesse Poitiers-Limoges comprenait, dans son analyse des conditions de financement du projet, une présentation des différentes modalités de financement habituellement mises en œuvre pour ce type d’infrastructures et des différents types d’acteurs susceptibles d’y participer, il ne contenait en revanche aucune information précise relative au mode de financement et à la répartition envisagés pour ce projet. Le Conseil d’État estime en conséquence « qu’eu égard notamment au coût de construction, évalué à 1,6 milliards d’euros en valeur actualisée 2011, l’insuffisance dont se trouve ainsi entachée l’évaluation économique et sociale a eu pour effet de nuire à l’information complète de la population et été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative ». Autrement dit, le décret attaqué a été adopté dans des conditions irrégulières.

Deuxièmement, et surtout, le Conseil d’État juge que les inconvénients du projet l’emportent sur ses avantages, de sorte qu’il perd son caractère d’utilité publique. À cet égard, conformément à son contrôle du bilan, il commence par vérifier que l’opération est d’intérêt général et que le recours à l’expropriation est nécessaire, avant de mettre en balance les avantages et les inconvénients de l’opération, en tenant compte de l’ensemble des intérêts publics et privés (CE Ass., 28 mai 1971, Ministre de l’équipement et du logement c/ Fédération de défense des personnes concernées par le projet actuellement dénommé Ville Nouvelle Est, Rec. p. 409 ; CE, Ass., 28 mars 1997, Association contre le projet de l’autoroute transchablaisienne et autres, n° 170856 et170857, Rec. p. 120 ; CE, 17 mars 2010, Association Alsace Nature, req. n° 314114). En l’espèce, si le projet de ligne ferroviaire à grande vitesse entre Poitiers et Limoges présente bien un intérêt public, cela ne lui confère pas pour autant, aux yeux du Conseil d’État, un caractère d’utilité publique. Six raisons à cela :

  • le coût de construction de la ligne, évalué à 1,6 milliard d’euros en valeur actualisée à 2011, et dont le financement n’était, en l’état, pas assuré ;
  • les temps de parcours affichés, qui étaient incertains en raison de la complexité inhérente à la gestion d’une voie à grande vitesse unique ;
  • l’évaluation de la rentabilité économique et sociale du projet, inférieure au niveau habituellement retenu par le Gouvernement pour apprécier si une opération peut être regardée comme utile, en principe, pour la collectivité ;
  • la liaison prévue se présentait comme un simple « barreau » rattachant Limoges au réseau ferroviaire à grande vitesse, alors qu’aucun prolongement de nature à permettre des aménagements ultérieurs n’était envisagé ;
  • la conséquence d’un report massif de voyageurs de la ligne Paris-Orléans-Limoges-Brive-Toulouse vers la ligne à grande vitesse, qui aurait impliqué une diminution du trafic sur cette ligne et donc une dégradation de la desserte des territoires situés entre Orléans et Limoges ;
  • l’adoption immédiate du décret, qui portait une atteinte très importante aux droits des propriétaires des terrains dont la déclaration d’utilité publique autorisait l’expropriation, alors même que l’engagement des travaux n’était envisagé qu’à un horizon lointain, entre  2030 et 2050 (la commission d’enquête avait à cet égard formulé une réserve).

Pour ces deux motifs d’illégalité, le Conseil d’État annule le décret du 10 janvier 2015, et met ainsi un frein important à la réalisation du projet de LGV Poitiers-Limoges.

Référence

CE 15 avril 2016, Fédération nationale des associations des usagers des transports, req. n° 387475, sera publié au Recueil

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