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Annulation en référé de la procédure de passation d’un contrat de mobilier urbain prenant la forme d’une concession de services

02 octobre 2017

Par une décision du 18 septembre 2017, le Conseil d’État a validé une ordonnance rendue par le juge du référé précontractuel du Tribunal administratif de Paris, annulant la procédure de passation d’un contrat de mobilier urbain par la ville de Paris.

Dans cette affaire, la ville de Paris avait lancé une consultation pour la conclusion d’une concession de services relative à l’exploitation de mobiliers urbains d’information à caractère général ou local supportant de la publicité. L’avis publié au BOAMP précisait : « Les mobiliers urbains d’information à caractère général ou local seront implantés sur les dépendances du domaine public viaire, répartis sur le territoire parisien en concertation avec la Ville. Ils devront être à double face. Ils pourront supporter de l’affichage et de la publicité non lumineuse ou éclairée par projection ou transparence, voire numérique à titre accessoire. La surface totale de la publicité apposée sur ces mobiliers ne pourra excéder la surface totale réservée à l’information non publicitaire ». Les sociétés Clear Channel France et Extérion Media France ont renoncé à déposer une offre, de sorte que la société Somupi, seule en lice, a été désignée attributaire par la ville de Paris. C’est alors que les sociétés Clear Channel France et Extérion Media France ont saisi le juge du référé précontractuel. Celui-ci a fait droit à leur demande en annulant la procédure de passation, au motif qu’en autorisant la publicité numérique, la ville de Paris avait méconnu les articles P3.1 et P4.1.1 du règlement local de publicité.

La décision par laquelle le Conseil d’Etat valide cette ordonnance doit être remarquée à plusieurs titres.

En premier lieu, en reconnaissant – implicitement mais nécessairement – la compétence du juge du référé précontractuel, le Conseil d’État confirme que ce contrat de mobilier urbain devait être qualifié de concession de services. Sans revenir en détails sur la qualification de ce type de contrats au regard du droit de la commande publique, rappelons que le Conseil d’État les avait d’abord qualifiés de marchés publics à prix négatifs (CE Ass. 4 novembre 2005 Société Jean-Claude Decaux, req. n° 247298 et 247299), avant d’affirmer qu’un contrat à prix négatif ne pouvait en principe pas recevoir la qualification de marché public (CE 7 mars 2014 CHU Hôpitaux de Rouen, req. n° 372897 ; CE 14 novembre 2014 SMEAG, req. n° 373156). Un tel contrat encourt donc a priori la qualification de concession de services, mais peut également être qualifié de simple convention d’occupation du domaine public lorsqu’elle « n’a pas été conclue pour répondre aux besoins de la Ville » (CE 15 mai 2013 Ville de Paris, req. n° 364593). En présence d’une jurisprudence aussi nuancée, la présente décision du Conseil d’État n’est pas dépourvue d’intérêt. Certes, le Conseil d’Etat ne se prononce pas expressément sur la qualification du contrat, mais il y a fort à parier qu’en l’espèce, le cahier des charges imposé par la ville de Paris à son cocontractant était suffisamment précis pour caractériser l’expression d’un besoin. À cet égard, rappelons que l’avis de marché énonçait notamment : « La surface totale de la publicité apposée sur ces mobiliers ne pourra excéder la surface totale réservée à l’information non publicitaire ». C’est donc à juste titre que la ville de Paris avait retenu la qualification de concession de services, moins exigeante que celle de délégation de service public. De sorte qu’au total, si la position du Conseil d’Etat n’est pas des plus surprenante, elle mérite néanmoins d’être soulignée.

En second lieu, c’est à notre connaissance la première fois que le juge du référé précontractuel annule une procédure de passation au motif qu’elle méconnait les règles applicables aux enseignes publicitaires. En effet, selon les termes de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, seul un « manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence » est de nature à emporter l’annulation d’une procédure de passation en référé. Il faut, semble-t-il, déduire de cette décision qu’une méconnaissance des règles applicables aux enseignes publicitaires peut être sanctionné dans le cadre d’un référé précontractuel. En l’espèce, l’annulation prononcée se fonde sur l’article P3.1 du règlement local de publicité qui dispose : « le mobilier urbain installé sur le domaine public peut supporter de la publicité, à titre accessoire eu égard à sa fonction et dans les conditions définies par les articles R. 581-14 du code de l’environnement et les articles P3 à P3.8.2 du présent règlement », et l’article P4.1.1 du même règlement qui dispose : « La publicité lumineuse, notamment les écrans, est interdite à l’exception des dispositifs publicitaires installés sur les toitures-terrasses. La publicité clignotante, défilante, animée ou à luminosité variable est interdite ». Or, selon l’article R.581-14 du code de l’environnement, est qualifiée de publicité lumineuse toute « publicité à la réalisation de laquelle participe une source lumineuse spécialement prévue à cet effet », à l’exception des « dispositifs de publicité lumineuse ne supportant que des affiches éclairées par projection ou par transparence ». C’est pourquoi ce qualificatif s’appliquait à la publicité numérique, autorisée à titre accessoire par le règlement de la consultation, lequel était donc irrégulier pour ce motif.

CE 18 septembre 2017, Société Clear Channel France et Société Extérion Media France, req. n° 410336

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