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Appréciation de la chance sérieuse d’obtenir un contrat public

12 décembre 2023

Par une décision du 28 novembre 2023, le Conseil d’Etat rappelle les conditions d’indemnisation du candidat irrégulièrement évincé.

La Commune de Saint-Cyr-sur-Mer a lancé une procédure de mise en concurrence pour la conclusion d’un contrat de sous-concession ayant pour objet l’exploitation du lot n°7 de la plage des Lecques à laquelle ont répondu la société La Royale Plage et la société MGPL Plage.

Après analyse des offres, la société La Royale Plage a été admise avec quatre autres candidats à négocier. Mais par délibération du 1er mars 2016 la Commune a finalement attribué le lot n° 7 à la SARL MGPL Plage.

La société La Royale Plage a introduit un recours indemnitaire à l’encontre de la Commune afin d’obtenir l’indemnisation du préjudice subi. Par un arrêt du 12 septembre 2022, la cour administrative d’appel de Marseille a reconnu que la procédure de passation était entachée d’une irrégularité, tenant à l’insuffisante information des membres du conseil municipal, et a condamné la Commune à indemniser cette société de son manque à gagner et de son préjudice moral, pour un montant total de 80 039 euros.

La Commune s’est alors pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat qui a annulé l’arrêt rendu par la Cour.

D’abord, le Conseil d’Etat a rappelé le cadre juridique des droits à indemnisation du candidat irrégulièrement évincé de l’attribution d’un contrat public, consacré dans sa décision du 18 juin 2003, Groupement d’entreprises solidaires ETPO Guadeloupe et autres, req. n° 249630 : « lorsqu’un candidat à l’attribution d’un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu’il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l’irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. En l’absence de toute chance, il n’a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu’il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d’emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, qui inclut nécessairement, puisqu’ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l’offre ».

Il en déduit ensuite que la Cour a commis une erreur de droit en considérant que la seule circonstance que l’offre finale de la société La Royale Plage n’aurait pas eu « une valeur inférieure à celles des trois autres candidats » n’est pas suffisante pour caractériser une chance sérieuse d’obtenir le contrat.

A cet égard, Monsieur le Rapporteur public, N. Labrune, précise dans ses conclusions que : « Vous n’avez jamais, dans une décision, consacré officiellement ce chiffre ou avancé un chiffre supérieur mais, en tout état de cause, il nous semble certain qu’il ne peut jamais y avoir qu’un seul candidat évincé privé d’une chance sérieuse de remporter le contrat. Or, à suivre le raisonnement de la cour, les trois candidats évincés avaient tous trois des chances sérieuses de l’emporter, de sorte d’ailleurs qu’il faudrait indemniser de leur manque à gagner non seulement la société La Royale Plage, mais aussi les deux autres concurrents évincés. Il y a bien là une erreur de droit, et donc un deuxième motif de cassation, que vous pourrez retenir aux côtés du premier, par souci d’éclairer pleinement la cour quant à ce qu’il lui reviendra de faire après renvoi ».

Ainsi, les conditions d’octroi d’une indemnisation pour le candidat irrégulièrement évincé demeurent difficiles à remplir.

CE 28 novembre 2023, Commune de Saint-Cyr-sur-Mer, req. n°468867

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