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Communication de documents administratifs et protection de la vie privée des personnes morales

16 novembre 2022

A l’occasion d’un litige portant sur une demande de communication par l’Association Anticor des comptes annuels de la fondation Louis Vuitton détenus par la Préfecture de la région Ile-de-France, le Conseil d’Etat a validé la solution consistant à refuser leur communication sur le fondement de la protection de la vie privée.

Les fondations d’entreprise sont soumises à un contrôle de leur comptabilité et doivent, à ce titre, transmettre au préfet leurs comptes annuels. Ces documents par nature privés acquièrent dès leur transmission à l’administration le statut de document administratif.

Pour mémoire, les documents administratifs sont communicables à tout administré qui en fait la demande sous réserve des secrets protégés par la loi en vertu de l’article L. 311-1 du code des relations entre le public et l’administration, parmi lesquels la protection de la vie privée, consacrée à l’article L. 311-6, 1° du même code, figure. Lorsque cette communication est susceptible de révéler un tel secret, l’administration doit alors occulter les mentions protégées par la loi pour les communiquer, soit rejeter la demande communication.

Cette décision se place dans le prolongement de la position de la Commission d’accès aux documents administratifs qui avait statué sur les comptes annuels de la fondation Louis Vuitton et de la jurisprudence du Conseil d’Etat (CADA, 13 septembre 2018, Conseil n° 20181232, Préfet de la région Île-de-France ; CE 17 avril 2013, Ministre du Travail, de l’emploi et de la santé, req. n° 344924).

Le Conseil d’Etat précise ainsi que la protection à la vie privée visée  à l’article L. 311-6, 1° du code des relations entre le public et l’administration doit être entendu, s’agissant de son application aux personnes morales, « comme excluant en principe, sous réserve qu’elle ne soit pas imposée ou impliquée par d’autres dispositions, la communication à des tiers, par l’autorité administrative qui les détient, des documents relatifs notamment à leur fonctionnement interne et à leur situation financière ».

Le Conseil d’Etat a rendu ainsi une décision intéressante sur la notion débattue de vie privée des personnes morales qui viendra alimenter les débats théoriques existants dont les termes ont été rappelés par Laurent Domingo, rapporteur public concluant sur cette affaire.

À cet égard, si le rapporteur public admet que la notion de vie privée d’une personne morale « peut être malaisé[e] » dès lors qu’elle semble concerner en premier lieu les personnes physiques, il souligne néanmoins qu’il lui paraît tout à fait évident qu’elles ont « du fait même de leur organisation et de leur fonctionnement, une part de leur activité qui n’intéresse strictement que leurs affaires internes ».

D’un point de vue pratique, cette décision est d’ores et déjà susceptible de dessiner les contours de la protection de la vie privée des personnes morales. Laurent Domingo propose de retenir a minima que l’ensemble des documents qui ont trait à leur fonctionnement, comme les délibérations et comptes-rendus des réunions, les décisions du quotidien prises par les organes dirigeants qui portent sur leur patrimoine ainsi que les documents relatifs à leurs finances relèvent de la protection instituée par l’article L. 311-6, 1° du code des relations entre le public et l’administration.

Par cette décision, le Conseil d’Etat poursuit sa construction de l’équilibre entre la nécessaire transparence de l’action publique et la protection de ce qui n’en relève pas directement.

CE Sect. 7 octobre 2022, Association Anticor, req. n° 443826

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