Le Conseil d’Etat rappelle que l’assureur dommage ouvrage peut, sur le fondement de l’article L. 121-12 du Code des assurances, se prévaloir de la subrogation au profit de son assuré et ce même si une partie de l’indemnité versée en exécution du contrat d’assurance ne l’a pas été entre les mains de son assuré lui-même.
Les faits du litige concernent le recours d’un assureur dommage ouvrage d’un maître d’ouvrage public au sujet d’un désordre apparu post réception dans le cadre d’une opération de réhabilitation et d’extension d’un complexe sportif. À la suite de cette déclaration de sinistre, l’assureur a versé une somme de 3 millions d’euros directement à son assuré au titre des travaux de réparation et une somme de 200 000 euros environ au titre des mesures conservatoires et d’investigation, directement aux entreprises. Subrogé dans les droits de son assuré, l’assureur a obtenu devant le Tribunal administratif et la Cour administrative d’appel, la condamnation solidaire des constructeurs désignés responsables.
Pour rappel, pour pouvoir être subrogé dans les droits de son assuré, l’assureur doit, sur le fondement de l’article L. 121-12 du Code des assurances – dispositions spécifiques au contrat d’assurance – ou sur celui de l’article 1346 du Code civil – dispositions générales sur le paiement subrogatoire –, justifier par tout moyen qu’elle a effectivement payé une indemnité en exécution d’un contrat d’assurance (v. par ex. : CE 25 novembre 2021, Sociétés Vitoux et Groupama Nord Est, req. n°442977, aux Tables).
Or, en l’espèce, les juges d’appel n’ont admis, sur le fondement de l’article L. 121-12 précité, la subrogation de l’assureur qu’à hauteur des 3 millions d’euros versés à l’assureur pour les travaux de réparation et non concernant la somme versée aux entreprises, admise, elle, sur le fondement de l’article 1346 du code civil. La Cour administrative d’appel a en effet estimé que l’assureur ne pouvait pas se fonder sur les dispositions du Code des assurances pour justifier son intervention en lieu et place de son assuré au titre des sommes qu’il avait directement versées aux entreprises (v. a contrario : CE 22 octobre 2024, Société des transports de l’agglomération de Montpellier e.a., req. n°362635).
Saisi d’un pourvoi du contrôleur technique condamné en appel, le Conseil d’Etat rappelle, sur le fondement de l’article L. 121-12 précité – uniquement –, que l’assureur n’est fondé à se prévaloir de la subrogation que si l’indemnité a été versée en exécution d’un contrat d’assurance et ce, sans nécessairement que ce paiement intervienne entre les mains de son assuré lui-même. Le Conseil d’Etat invalide donc le raisonnement des juges d’appel, qui ne pouvaient de surcroît se fonder sur l’article 1346 du code civil, dès lors que les paiements correspondant à cette somme avaient été effectués avant l’entrée en vigueur, au 1er octobre 2016, des dispositions de cet article.
L’arrêt de la Cour administrative d’appel est donc annulé sur ce point, seulement en tant qu’il a statué sur la subrogation de l’assureur au titre de la somme de 200 000 euros sur le fondement de l’article 1346 du code civil.
Le Conseil d’Etat valide pour le reste le raisonnement des juges d’appel.
CE 31 octobre 2024, Société Bureau Véritas Construction, req. n° 488920.