Par un arrêt rendu en chambres réunies le 20 décembre 2017, le Conseil d’Etat précise les contours de l’action en garantie dont dispose le maître d’ouvrage à l’encontre de son maître d’œuvre et rappelle que l’existence d’une faute de ce dernier ne le rend pas automatiquement redevable du paiement des travaux supplémentaires.
Les faits, objet du litige, concernait la construction pour le compte de la Communauté d’agglomération du Grand Troyes (CAG) de quatre bâtiments dans le centre-ville de Troyes réalisé dans le cadre du projet de construction d’un campus universitaire. Après la réception de l’ouvrage, la société Poulingue a demandé à la CAG le paiement de travaux supplémentaires.
Saisi du pourvoi de la CAG contre l’arrêt d’appel qui a déchargé partiellement le maître d’œuvre de sa condamnation prononcée en première instance, le Conseil d’État rappelle tout d’abord que si la charge définitive de l’indemnisation qu’est fondé à obtenir l’entrepreneur, au titre du coût des travaux supplémentaires indispensables à la réalisation d’un ouvrage dans les règles de l’art, incombe, en principe, au maître de l’ouvrage, celui-ci est fondé en cas de faute du maître d’œuvre, à l’appeler en garantie.
Le Conseil d’État énonce ensuite deux hypothèses dans lesquelles le maître d’ouvrage peut ainsi être fondé à agir en ce sens. Il en va ainsi, d’une part, lorsque la nécessité de procéder à ces travaux n’est apparue que postérieurement à la passation du marché, en raison d’une mauvaise évaluation initiale par le maître d’œuvre, et qu’il établit qu’il aurait renoncé à son projet de construction ou modifié celui-ci s’il en avait été avisé en temps utile. Il en va ainsi, d’autre part, lorsqu’en raison d’une faute du maître d’œuvre dans la conception de l’ouvrage ou dans le suivi de travaux, le montant de l’ensemble des travaux qui ont été indispensables à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art est supérieur au coût qui aurait dû être celui de l’ouvrage si le maître d’œuvre n’avait commis aucune faute, à hauteur de la différence entre ces deux montants.
En l’espèce, le Conseil d’État relève d’une part, que la CAG n’établit pas qu’elle aurait renoncé à la construction du campus universitaire ou aurait modifié le projet si elle avait su que des travaux supplémentaires étaient indispensables à sa réalisation dans les règles de l’art. D’autre part, il n’était pas soutenu que le montant des travaux indispensables à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art, y compris les travaux supplémentaires, aurait été supérieur au coût de la construction du campus universitaire si la maîtrise d’œuvre n’avait pas commis de fautes lors de la conception de cet ouvrage. Le Conseil d’État en conclut que la Cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que la communauté d’agglomération du Grand Troyes devait supporter la charge définitive du coût de ces travaux supplémentaires, alors même que celle-ci faisait valoir que ce coût n’était pas inscrit dans son budget initial.
CE 20 décembre 2017, Communauté d’agglomération du Grand Troyes, req. n°401747, aux Tables