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Confirmation de l’annulation d’un refus de permis de construire et office du juge

18 avril 2024

Le Conseil d’Etat vient rappeler et préciser l’office du juge d’appel, devant qui est contestée l’annulation par le Tribunal administratif d’un refus de permis de construire. Si le juge d’appel confirme l’annulation du refus, il doit se prononcer sur tous les moyens mais si, au contraire, il estime l’un des motifs de refus fondé, il n’est pas tenu de se prononcer sur la légalité des autres motifs examinés par le juge de première instance.

Dans cette affaire, le maire d’une commune avait refusé un permis de construire après un réexamen de la demande ordonné par le Tribunal administratif de Bastia, qui avait jugé que les cinq motifs fondant l’arrêté étaient entachés d’illégalité et a, par conséquent, annulé le refus de permis de construire. En appel, la Cour administrative d’appel de Marseille s’est bornée à juger que la commune était fondée à refuser le permis sur le fondement de l’un des cinq motifs, sans se prononcer sur les quatre autres.

En cassation, le Conseil d’Etat rappelle d’une part les dispositions de l’article L. 424-1 du code de l’urbanisme, aux termes desquelles une décision de rejet doit comporter l’intégralité des motifs la justifiant et, d’autre part, l’article L. 600-4-1 du même code selon lequel, « [l]orsqu’elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d’urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l’ensemble des moyens de la requête qu’elle estime susceptibles de fonder l’annulation ou la suspension, en l’état du dossier. ».

Aussi, le Conseil d’Etat, dans la droite ligne de la solution qu’il a précédemment dégagée en matière d’annulation de permis de construire (CE, 28 mai 2001, Commune de Bohars et SALR Minoterie Francès, req. n° 218374, publié au recueil Lebon), rappelle tout d’abord qu’une décision rejetant une demande d’autorisation d’urbanisme pour plusieurs motifs ne peut être annulée par le juge de l’excès de pouvoir à raison de son illégalité interne, réserve faite du détournement de pouvoir, que si chacun des motifs qui pourraient suffire à la justifier sont entachés d’illégalité.

Ensuite, en application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, le tribunal administratif saisi doit, lorsqu’il annule une telle décision de refus, se prononcer sur l’ensemble des moyens de la demande qu’il estime susceptibles de fonder cette annulation – qu’ils portent d’ailleurs sur la légalité externe ou sur la légalité interne de la décision. En revanche, lorsqu’il juge que l’un ou certains seulement des motifs de la décision de refus en litige sont de nature à la justifier légalement, le tribunal administratif peut rejeter la demande tendant à son annulation sans être tenu de se prononcer sur les moyens de cette demande qui ne se rapportent pas à la légalité de ces motifs de refus. En d’autres termes, il peut pratiquer l’économie de moyen sur les moyens de légalité qui ne sont pas relatifs au caractère infondé des motifs de refus.

Enfin, le Conseil d’Etat ajoute que « saisi d’un jugement ayant annulé une décision refusant une autorisation d’urbanisme, il appartient au juge d’appel, pour confirmer cette annulation, de se prononcer sur les différents motifs d’annulation que les premiers juges ont retenus, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui. En revanche, si le juge d’appel estime qu’un des motifs de la décision de refus litigieuse est fondé et que l’administration aurait pris la même décision si elle avait retenu ce seul motif, il peut, sans méconnaître les dispositions [des articles L. 424-3 et L. 600-4-1 du code de l’urbanisme], rejeter la demande d’annulation de cette décision et infirmer en conséquence le jugement attaqué devant lui, sans être tenu de statuer sur la légalité des autres motifs retenus par l’autorité administrative et sur lesquels les premiers juges se sont prononcés. ».

Au cas d’espèce, si le motif retenu par les juges d’appel comme fondé n’obligeait pas la Cour à se prononcer sur les autres moyens, le Conseil d’Etat annule au fond le raisonnement de la Cour dès lors que le pétitionnaire pouvait bien se prévaloir du mécanisme de cristallisation prévu par l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme, puisqu’il devait être regardé comme ayant confirmé sa demande, le Tribunal ayant enjoint à la commune de réexaminer la demande de permis de construire. Faisant application du guide édicté, après avoir considéré comme illégal le premier motif de refus, le Conseil d’Etat se prononce sur chacun des autres motifs d’annulation retenus par les premiers juges et confirme l’annulation du refus de permis de construire querellé.

CE, 22 mars 2024, SARL AC Promotions, req. n° 463970, mentionné aux Tables.

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