Par un arrêt du 9 décembre 2015, le Conseil d’État confirme les effets d’une demande de pièces complémentaires illégale lors de l’instruction d’une déclaration préalable.
Dans cette affaire, la société Orange avait demandé au juge des référés du Tribunal administratif de Poitiers de suspendre l’exécution de l’arrêté du 26 septembre 2014 par lequel le maire de la commune d’Asnières-sur-Nouère avait fait opposition à la déclaration préalable de travaux qu’elle avait déposée le 5 août 2014 en vue de l’édification d’une station de téléphonie mobile.
Le juge des référés avait fait droit à cette demande en se fondant sur deux motifs, tirés, d’une part, de ce que la décision contestée devait être regardée comme ayant illégalement retiré une décision implicite de non-opposition à la déclaration préalable de travaux et, d’autre part, de ce que le maire de la commune avait commis une erreur d’appréciation en estimant que le projet serait réalisé dans l’emprise de la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique.
Saisi en cassation par la commune d’Asnières-sur-Nouère, le Conseil d’État estime que le Juge des référés a commis une erreur de droit sur le premier motif.
Tout d’abord, le Conseil d’État rappelle que « l’illégalité d’une demande tendant à la production d’une pièce qui ne peut être requise est de nature à entacher d’illégalité la décision tacite d’opposition prise en application de l’article R. 423-39 du code de l’urbanisme ».
L’on sait en effet que l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation ne peut légalement réclamer au pétitionnaire la production de pièces autres que celles qui sont limitativement énumérées par le Code de l’urbanisme (CE 12 décembre 1984, Ministre de l’urbanisme et du logement c/ S.A. immobilière et commerciale « la Gauloise », req. n° 45109 ; CE, 29 décembre 1995, Association Espace benoit Suzer, req. n° 121516 et 121517). Et le pétitionnaire peut exciper de l’illégalité de la demande de pièces complémentaires qu’il estime irrégulière à l’appui d’un recours contre une décision de refus de sa demande ou un sursis à statuer (CAA Lyon 5 nov. 2013, Commune de Bourgoin-Jallieu, req. n° 13LY01217).
Ensuite, et c’est là l’apport principal de la décision, le Conseil d’État ajoute que cette illégalité « ne saurait avoir pour effet de rendre le pétitionnaire titulaire d’une décision implicite de non-opposition ». Ce faisant, il s’inscrit dans le prolongement de sa décision Mme Verrier, aux termes de laquelle « lorsqu’une décision de demande de pièces complémentaires a été annulée par le juge de l’excès de pouvoir, cette annulation contentieuse ne rend pas le demandeur titulaire d’une décision implicite de non-opposition » (CE 8 avril 2015, Mme Verrier, req. n° 365804, aux Tables).
Dès lors, « le juge des référés, après avoir estimé que la pièce complémentaire demandée par la commune d’Asnières-sur-Nouère au cours de l’instruction de la déclaration préalable n’était pas au nombre des pièces requises en l’espèce par le code de l’urbanisme, a commis une erreur de droit en jugeant que cette demande n’avait pu proroger le délai d’instruction et en en déduisant que la société Orange devait être regardée comme titulaire d’une décision implicite de non-opposition ».
Le second motif retenu par le Juge des référés relevant quant à lui d’une appréciation souveraine des faits de l’espèce exempte de dénaturation, et justifiant le dispositif de l’ordonnance attaquée, le Conseil d’État rejette le pourvoi formé par la commune d’Asnières-sur-Nouère.
Référence :
CE 9 décembre 2015, Commune d’Asnières-sur-Nouère, req. n° 390273, sera mentionné aux Tables