Par une décision rendue par l’Assemblée du contentieux le 13 juillet 2016, publiée au Recueil Lebon, le Conseil d’État a appliqué le principe de sécurité juridique au profit de l’administration en jugeant qu’une décision administrative individuelle n’indiquant pas les voies et délais de recours ne peut être contestée que dans un « délai raisonnable » qui sera, en règle générale, d’un an.
Pour mémoire, l’article R. 421-5 du code de justice administrative dispose que « les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ». Cela permettait de contester sans condition de délais les décisions n’indiquant pas les voies et délais de recours.
Dans l’affaire soumise au Conseil d’État, M. Jean C, ancien brigadier de police, avait demandé l’annulation de l’arrêté lui concédant une pension de retraite car celui-ci ne prenait pas en compte les bonifications pour enfant. Pour contester cet arrêté qui lui avait été notifié il y a presque 23 ans, le requérant s’était fondé sur l’article R. 421-1 du code de justice administrative selon lequel le délai de recours ne commence pas à courir si la notification ne mentionne pas les voies et délais de recours. L’Assemblée du contentieux a rejeté cette demande par un raisonnement en deux temps.
Dans un premier temps, la décision du 13 juillet 2016 rappelle qu’il résulte de l’article R. 421-5 du CJA que « lorsque la notification ne comporte pas les mentions requises », le délai de deux mois prévu à l’article R. 421-1 du CJA n’est pas opposable.
Dans un second temps, cette décision limite les effets de ces dispositions puisque « le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui-ci a eu connaissance ; qu’en une telle hypothèse, si le non-respect de l’obligation d’informer l’intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l’absence de preuve qu’une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable ; qu’en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l’exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance. »
Précision utile, le Conseil d’État indique que cette règle a « pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours » ce qui « ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d’un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs ».
Enfin, cette règle s’appliquera aux instances en cours, le Conseil d’État ayant précisé qu’il appartient au juge administratif « d’en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance ».
Références