Éligibilité des agents des remontées mécaniques à l’activité partielle, même avant l’intervention de la loi du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne
Par un arrêt en date du 28 janvier 2021 qui sera mentionné aux Tables du Recueil, le Conseil d’Etat juge que les agents contractuels recrutés pour exercer dans un service de remontées mécaniques ou de pistes de ski pouvaient être placés en position d’activité partielle sous certaines conditions, dans la mesure où ils sont soumis à un régime de droit privé, et ce même avant l’intervention de la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne.
Au cas présent, le syndicat mixte Savoie Grand Revard, qui gère le domaine skiable du Grand Revard, a sollicité le 28 décembre 2015 l’autorisation de placer ses salariés en position d’activité partielle en raison d’un déficit d’enneigement. Le préfet de la Savoie lui a refusé cette autorisation le 8 janvier 2016 et le ministre du travail a rejeté le 16 mars 2016 son recours hiérarchique contre ce refus. Par un jugement du 29 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions.
Le syndicat mixte Savoie Grand Revard s’est alors pourvu en cassation contre l’arrêt par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a, sur l’appel de la ministre du travail, annulé le jugement du tribunal administratif de Grenoble et rejeté sa demande de première instance au motif que jusqu’à l’intervention de la loi du 28 décembre 2016, les dispositions de l’article L. 5122-1 du code du travail ne s’appliquaient pas aux régies dotées de la seule autonomie financière qui gèrent un service public de remontées mécaniques ou de pistes de ski.
Pour rappel, l’article L. 5122-1 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, prévoyait que « I. – Les salariés sont placés en position d’activité partielle, après autorisation expresse ou implicite de l’autorité administrative, s’ils subissent une perte de rémunération imputable (…) à la fermeture temporaire de leur établissement ou partie d’établissement (…) / II. – Les salariés reçoivent une indemnité horaire, versée par leur employeur, correspondant à une part de leur rémunération antérieure dont le pourcentage est fixé par décret en Conseil d’Etat. L’employeur perçoit une allocation financée conjointement par l’Etat et l’organisme gestionnaire du régime d’assurance chômage. (…) ».
Le service des remontées mécaniques et des pistes de ski présente le caractère d’un service public industriel et commercial, quelle que soit la forme sous laquelle il est exécuté (CE, 19 février 2009, Beaufils, req. n° 293920, publié au Recueil). De sorte que le personnel se trouve dans une situation de droit privé et donc soumis au régime du code du travail, et ce même pour ceux qui exercent dans le cadre d’une régie non personnalisée.
Aussi, pour répondre à la question de savoir si les agents des remontées mécaniques ont le droit à l’activité partielle, et comme le soulève le rapporteur public Monsieur VILLETTE dans ses conclusions sur cet arrêt, « à s’en tenir à la situation de l’employé, la situation paraît relativement simple puisque rien ne semble faire obstacle à ce qu’il puisse bénéficier de l’activité partielle, ouverte à tous les salariés. Mais la question se complique à la lumière des spécificités de l’employeur ici en cause. En effet, compte tenu de l’absence de personnalité juridique de la régie, c’est bien la collectivité ou, ici, le syndicat mixte qui doivent être regardés comme les employeurs ».
Toutefois, adoptant une interprétation favorable à garantir une égalisation des conditions de concurrence entre les opérateurs du secteur quelle que soit la forme d’exploitation retenue, le Conseil d’Etat a tranché cette question en jugeant que « dès lors que les agents contractuels recrutés pour exercer dans un service de remontées mécaniques ou de pistes de ski sont soumis à un régime de droit privé, ils peuvent être placés en position d’activité partielle dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre Ier de la cinquième partie du code du travail par leur employeur, sous réserve de l’adhésion de ce dernier au régime d’assurance chômage, le cas échéant en application du 1° de l’article L. 5424-2 du code du travail ». En effet, en adhérant à ce régime d’assurance chômage, l’employeur public devrait ainsi s’acquitter de la même cotisation que celle due par tout employeur.
Par suite, « il revient à l’administration, saisie par un service de remontées mécaniques ou de pistes de ski d’une demande d’autorisation d’activité partielle motivée par un déficit d’enneigement le contraignant à réduire ou à suspendre temporairement son activité, d’apprécier, sous le contrôle du juge, si ce déficit peut être regardé, au regard du niveau d’enneigement habituel, comme présentant un caractère exceptionnel ».