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Garantie décennale et faute du maître d’ouvrage

05 avril 2024

Par un arrêt signalé du 5 mars 2024, la cour administrative d’appel de Douai a jugé qu’un maître d’ouvrage commet une faute de nature à exonérer la responsabilité décennale du constructeur si les désordres trouvent leur cause dans une non-conformité contractuelle détectée en cours d’exécution du marché qui n’a pas fait l’objet de réserve de sa part lors des opérations de réception.

Une communauté d’agglomération a conclu un marché de travaux portant sur la mise en œuvre de plateformes en enrobé pour implantation de terrains à usage sportif. Constatant des gonflements, bosses et fissures après la réception des travaux, la communauté d’agglomération, en sa qualité de maître d’ouvrage, a recherché la responsabilité décennale de l’entreprise ayant réalisé les travaux. Les désordres empêchaient en effet une pratique sportive dans des conditions normales de sécurité et rendaient, par conséquent, les ouvrages impropres à leur destination. Le tribunal administratif a partiellement fait droit à la requête du maître d’ouvrage en limitant la condamnation de l’entreprise à 60% du préjudice subi au motif que le maître d’ouvrage avait commis une faute exonératoire. La communauté d’agglomération a donc porté l’affaire en appel.

L’arrêt rendu rappelle d’abord que « le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur [le fondement de la garantie décennale] ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d’ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n’apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables ».

Appliquant ces principes, la cour a relevé qu’un des matériaux utilisés par l’entreprise n’était pas conforme aux stipulations contractuelles et que la procédure pour agrément des matériaux alternatifs utilisés n’avait pas été respectée. Le maître d’ouvrage ayant constaté cet écart en cours d’exécution s’est contenté de demander à l’entreprise qu’elle réalise un test de portance et d’une promesse de l’entreprise de remédier aux désordres éventuels en en supportant la charge financière. Dans ce cadre, les désordres constatés, dont l’imputabilité à ce choix de matériau alternatif a été établie à la suite d’une expertise judiciaire, engageaient la responsabilité décennale de l’entreprise. Toutefois, la cour a également relevé que le maître d’ouvrage avait manqué de prudence en ne formulant à cet égard aucune réserve au moment de la réception des travaux. Cette imprudence était de nature à exonérer l’entreprise à hauteur de 10%.

Ce faisant, la situation du maître d’ouvrage s’est trouvée sensiblement améliorée puisque le tribunal administratif avait retenu que la faute du maître d’ouvrage exonérait l’entreprise à hauteur de 40%.

Cet arrêt vient rappeler que l’importance des réserves à apporter par le maître d’ouvrage lors des opérations de réception. Dès lors que le maître d’ouvrage a connaissance d’une méconnaissance des stipulations contractuelles, il lui appartient, par précaution, de formuler une réserve à ce sujet lors de la réception.

CAA Douai 5 mars 2024, Communauté d’agglomération du Pays de Saint-Omer, req. n°22DA01934

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