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ICPE et droit de l’urbanisme : précisions sur l’office du juge du plein contentieux

02 janvier 2017

Par une décision du 16 décembre 2016, le Conseil d’État apporte d’importantes précisions sur l’office du juge du plein contentieux lors de l’examen de la validité d’une autorisation d’exploiter une ICPE au regard des règles d’urbanisme applicables.

En l’espèce, le préfet du Loiret avait autorisé la société Ligérienne Granulats SA à exploiter une carrière de matériaux alluvionnaires et une installation de traitement sur le territoire de la commune de Mardié. Saisi d’un pourvoi en cassation à l’encontre de l’arrêt par lequel la Cour administrative d’appel de Nantes a annulé l’autorisation d’exploiter délivrée par l’arrêté du préfet du Loiret, le Conseil d’État censure l’arrêt de la Cour pour une double erreur de droit et, à cette occasion, précise l’étendue de l’office du juge de plein contentieux appelé à examiner la légalité d’une autorisation d’exploiter une ICPE au regard de dispositions issues d’un règlement d’urbanisme.

Tout d’abord, le Conseil d’État rappelle les conditions dans lesquelles les règles d’urbanisme ont vocation à s’appliquer aux autorisations d’exploiter une ICPE : « qu’en vertu du premier alinéa de l’article L. 123-5 du code de l’urbanisme, devenu son article L. 152-1, le règlement et les documents graphiques du plan d’occupation des sols ou du plan local d’urbanisme qui lui a succédé sont opposables à l’ouverture des installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan ; qu’il en résulte que les prescriptions de celui-ci qui déterminent les conditions d’utilisation et d’occupation des sols et les natures d’activités interdites ou limitées s’imposent aux autorisations d’exploiter délivrées au titre de la législation des installations classées »

Ensuite, précisant une jurisprudence récente, le Conseil d’État considère que, s’agissant du respect des règles d’urbanisme, le juge de plein contentieux doit en principe examiner la légalité de l’autorisation d’exploiter au regard des règles d’urbanisme applicables à la date de sa délivrance et non au moment où le juge statue.

Ainsi, contrairement au principe selon lequel le juge du plein contentieux des installations classées apprécie le respect des règles de procédure régissant la demande d’autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l’autorisation et celui des règles de fond régissant l’installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce (CE, 22 septembre 2014, SIETOM de la région de Tournan-en-Brie, req. n°367889), ce n’est que dans l’hypothèse où l’autorisation ne respecterait pas les règles d’urbanisme au jour de sa délivrance que le juge pourra examiner sa légalité au regard du droit applicable au jour où il statue en tenant compte des modifications ultérieures de ces règles : « il appartient au juge du plein contentieux des installations classées de se prononcer sur la légalité de l’autorisation au regard des règles d’urbanisme légalement applicables à la date de sa délivrance ; que, toutefois, eu égard à son office, la méconnaissance par l’autorisation des règles d’urbanisme en vigueur à cette date ne fait pas obstacle à ce qu’il constate que, à la date à laquelle il statue, la décision a été régularisée par une modification ultérieure de ces règles ».

Or, en l’espèce, la Cour s’était bornée à apprécier la légalité de l’autorisation litigieuse au regard des seules dispositions du PLU en vigueur à la date de son arrêt, ce qui constitue la première erreur de droit censurée par le Conseil d’État dans l’arrêt commenté.

Enfin, le Conseil d’État précise que la déclaration d’illégalité d’un document d’urbanisme par le juge du plein contentieux, à l’occasion d’un recours contre une autorisation d’exploiter une ICPE, conduit à apprécier la légalité d’une telle autorisation au regard des dispositions d’urbanisme remises en vigueur du fait de cette illégalité (CE 7 février 2008, Commune de Courbevoie c/ Gaudin, req. n°297227), sous réserve que le requérant fasse valoir que l’autorisation méconnaîtrait les dispositions d’urbanisme pertinentes remises en vigueur du fait de la constatation de cette illégalité et, le cas échéant, de celle du document remis en vigueur : « il résulte de l’article L. 600-12 du même code que la déclaration d’illégalité d’un document d’urbanisme a, au même titre que son annulation pour excès de pouvoir, pour effet de remettre en vigueur le document d’urbanisme immédiatement antérieur et, le cas échéant, en l’absence d’un tel document, les règles générales d’urbanisme rendues alors applicables, en particulier celles de l’article L. 111-1-2 du code de l’urbanisme ; que, dès lors, il peut être utilement soutenu devant le juge qu’une autorisation d’exploiter une installation classée a été délivrée sous l’empire d’un document d’urbanisme illégal – sous réserve, en ce qui concerne les vices de forme ou de procédure, des dispositions de l’article L. 600-1 du même code -, à la condition que le requérant fasse en outre valoir que l’autorisation méconnaît les dispositions d’urbanisme pertinentes remises en vigueur du fait de la constatation de cette illégalité et, le cas échéant, de celle du document remis en vigueur »

Or, la Cour ayant omis d’examiner la légalité de l’autorisation litigieuse au regard des dispositions pertinentes du document d’urbanisme, remises en vigueur à la suite de la déclaration d’illégalité des dispositions d’urbanisme applicables au jour de la délivrance de l’autorisation, elle a entaché son arrêt d’une seconde erreur de droit censurée par le Conseil d’État.

Références

CE 16 décembre 2016, Commune de Mardié et association Mardiéval, req. n°391452, sera publié

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