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Impossibilité de contester la demande de suspension d’un agent mis à disposition

11 septembre 2023

Par une décision du 5 mai 2023, la Cour administrative d’appel de Nantes a jugé que le courrier par lequel l’administration d’accueil d’un agent mis à disposition au sein de ses services demande à l’administration d’origine que cet agent fasse l’objet d’une suspension de fonctions constitue une simple mesure préparatoire insusceptible de recours.

Pour se prononcer de la sorte, la Cour s’est fondée sur l’article 61 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale (aujourd’hui codifié à l’article L. 512-6 du code général de la fonction publique), qui disposait que «La mise à disposition est la situation du fonctionnaire qui demeure dans son cadre demplois ou corps dorigine, est réputé y occuper un emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante, mais qui exerce ses fonctions hors du service où il a vocation à servir», ainsi que sur l’article 7 du décret n°2008-580 du 18 juin 2008 relatif au régime de la mise à disposition applicable aux collectivités territoriales et aux établissements publics administratifs locaux, retenant pour sa part que «L’autorité de l’administration d’origine ayant pouvoir de nomination exerce le pouvoir disciplinaire. Elle peut être saisie par l’administration ou l’organisme d’accueil».

La Cour a retenu qu’il résultait de cette compétence unique de l’administration d’origine pour exercer le pouvoir disciplinaire, une compétence unique pour prononcer une mesure de suspension. Elle en a conclu que le courrier de demande de mise en œuvre d’une mesure de suspension « ne constitue que le premier acte de la procédure pouvant conduire le cas échéant à la suspension de l’intéressé », et présentait donc le caractère d’une simple mesure préparatoire insusceptible de faire l’objet, en elle-même, d’un recours pour excès de pouvoir.

Publiée au sein de ses « Cahiers de jurisprudence n° 41 », le commentaire associé à cette décision donne davantage d’informations quant aux raisons ayant conduit la Cour à se prononcer de la sorte.

En effet, on y apprend que c’est également parce que la demande de l’administration d’accueil à l’administration d’origine « ne lie pas celle-ci », que la Cour a conclu en ce sens, mais surtout que les juges se sont inspirés, pour parvenir à une telle solution, d’une décision du Conseil d’Etat du 27 février 2015 (req. n° 384847, mentionnée aux Tables) se prononçant de la même manière concernant la lettre par laquelle le président de l’Agence française de lutte contre le dopage avait constaté un manquement d’un sportif et saisi la Fédération dont relevait ce sportif aux fins d’engagement de poursuites disciplinaires. Le considérant pertinent de cette décision du Conseil est effectivement repris presque mots pour mots par la Cour.

Pour finir, on ajoutera que la Cour aurait également pu se fonder sur l’article L. 531-1 du code général de la fonction publique (article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, avant codification), qui dispose que : « Le fonctionnaire, auteur d’une faute grave, qu’il s’agisse d’un manquement à ses obligations professionnelles ou d’une infraction de droit commun, peut être suspendu par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline ».

En effet, c’est parce qu’il résulte de cet article que seule l’autorité ayant pouvoir disciplinaire peut suspendre un agent, que, dans le cas d’une mise à disposition, seule l’administration d’origine peut effectivement le suspendre, puisqu’elle dispose du pouvoir de nomination au titre de l’article 7 du décret susvisé. 

CAA Nantes, 5 mai 2023, req. n° 21NT02308

CE, 27 février 2015, req. n° 384847, mentionné aux Tables

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