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La conciliation entre la préservation entre continuité du service public et le droit individuel de chaque agent à participer à la grève

29 juillet 2016

S’inscrivant dans un courant jurisprudentiel désormais établi, le Conseil d’État, par un arrêt rendu le 6 juillet 2016, rappelle que si une administration peut légalement imposer à ses agents de se mettre en grève au début de leur prise de service et non à un heure postérieure afin de ne pas interrompre le service, elle ne saurait en revanche leur interdire de rejoindre le mouvement en cours.

En l’espèce, à l’occasion d’un conflit social entre la ville de Paris et les agents employés dans les équipements sportifs de la ville, le secrétaire général avait adopté une note de service au terme de laquelle il était imposé à l’ensemble de ces agents, d’une part, d’exercer leur droit de grève à leur prise de service et, d’autre part, de se déclarer gréviste au moins 48h avant le début de la grève fixée dans le préavis, en précisant la durée de la cessation de leur activité.

Le Conseil d’État, après avoir classiquement rappelé la licéité de l’exercice du droit de grève par les agents publics sous réserve des limites qu’appellent les exigences de l’ordre public telles qu’elles résultent des lois et règlements (CE Ass., 7 juillet 1950, Dehaene, Rec. p. 426, GAJA, 17ème éd., p. 395), a alors successivement examiné les deux restrictions contestées imposées par la note de service déférée.

Dans un premier temps et sans surprise, venant confirmer sa jurisprudence antérieure selon laquelle un agent ne peut rejoindre un mouvement de grève postérieurement au début de l’heure de sa prise de service afin de ne pas interrompre le travail en cours, (CE, 29 décembre 2006, Société nationale des chemins de fers français, req. n° 286294, publiée au Recueil ; CE, 11 juin 2010, Syndicat Sud RATP, req. n° 333262), le Conseil d’État juge, à propos de la première des deux restrictions, « qu’en imposant aux agents employés dans les équipements sportifs de la ville qui entendent exercer leur droit de grève de le faire à leur prise de service, le secrétaire général de la Ville de Paris a entendu prévenir les risques de désordres résultant notamment, en cas d’exercice du droit de grève en cours de service, de l’obligation d’évacuer de ces équipements le public qui y aurait déjà pénétré ».

En revanche, dans un second temps, le Conseil d’État considère qu’en imposant aux agents de se déclarer non pas 48 heures avant la date à laquelle ils entendent personnellement participer à un mouvement de grève, mais 48 heures avant le début de la grève fixé dans le préavis, « la note attaquée apporte au droit de tout agent de rejoindre un mouvement de grève déjà engagé, des restrictions dont il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés qu’elles excèdent ce qui est nécessaire pour prévenir un usage abusif de la grève dans les établissements sportifs de la Ville de Paris et qui ne sont justifiées ni par les nécessités de l’ordre public ni par les besoins essentiels du pays ».

Autrement dit, à l’instar de la position adoptée par la Cour de Cassation (voir par exemple : Cass. soc., 11 févr. 2015, Régie des transports de Marseille c/ Synd. CGT de la Régie des transports de Marseille, n° 13-14.607), le Conseil d’État réaffirme le droit individuel de chaque agent à participer à la grève et ainsi l’impact limité du préavis collectif de grève sur ce droit, en rappelant que ces derniers sont autorisés à commencer leur mouvement revendicatif à la date qu’ils choisissent dès lors qu’elle entre dans la période mentionnée dans le préavis.

L’ordonnance est donc annulée « en tant qu’elle rejette la demande du syndicat CGT des cadres et techniciens parisiens des services publics territoriaux et autres tendant à la suspension de l’exécution de la note de service du secrétaire général de la Ville de Paris du 23 mars 2015 en tant que celle-ci fait obligation à tout agent travaillant dans les établissements sportifs de la Ville de Paris de se déclarer gréviste 48 heures avant le début de la grève fixé dans le préavis ».

Références

CE 6 juillet 2016, Syndicat CGT des cadres et techniciens parisiens des services publics territoriaux et autres, req. n° 390031, à mentionner aux Tables du Recueil Lebon

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