Par une décision du 15 décembre 2017, le Conseil d’État s’est prononcé sur les règles applicables en matière de passation de contrats de service public de transport aérien.
Dans cette affaire, le syndicat mixte de l’aéroport de Lannion – Côte de granit a lancé une consultation en vue de la conclusion d’une convention entre l’État, lui-même et un transporteur aérien, ayant pour objet « l’exploitation, en exclusivité, de la liaison aérienne entre Lannion et Paris (Orly) et comportant une compensation versée par l’État en contrepartie du respect des obligations de service public grevant cette ligne ».
Ce contrat était conclu sur le fondement du règlement (CE) n° 1008/2008 du 24 septembre 2008 établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté, et par voie de conséquence, n’était pas soumis aux dispositions de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession (cf. 11° de l’article 13 de ladite ordonnance). Cependant, un concurrent évincé de cette consultation a tout de même saisi le tribunal administratif de Rennes d’un recours en référé précontractuel. Le juge des référés ayant fait droit à la demande d’annulation de la procédure de passation, le syndicat mixte s’est pourvu en cassation devant le Conseil d’Etat.
Se posaient alors deux questions : celle de la compétence du juge du référé précontractuel, et celle des règles applicables à la passation de tels contrats.
D’abord, sur la compétence, le Conseil d’Etat rappelle que conformément à l’article L. 551-1 du code de justice administrative, le juge du référé précontractuel ne peut être saisi qu’en cas de manquement à la procédure de passation « de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, la délégation d’un service public ou la sélection d’un actionnaire opérateur économique d’une société d’économie mixte à opération unique ». Or, si le contrat en cause n’est pas soumis aux dispositions de l’ordonnance précitée du 29 janvier 2016, cela ne le soustrait pas à la qualification de contrat de concession de service, dès lors qu’il s’agit bien d’un contrat ayant pour objet de confier la gestion d’un service à un opérateur auquel est transféré un risque d’exploitation en contrepartie d’un droit d’exploiter le service assorti d’un prix. En outre, le Conseil d’Etat semble considérer que les contrats de concession de service de transport aérien ont de facto pour objet une activité de service public, de sorte que le contrat doit également recevoir la qualification de délégation de service public en application des dispositions de l’article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales, le syndicat mixte étant soumis à ces dispositions. Par suite, il estime que c’est à bon droit que le juge du référé précontractuel s’est fondé sur la qualification de délégation de service public pour retenir sa compétent.
Ensuite, cette qualification de délégation de service public applicable aux concessions de service de transport aérien a une incidence directe sur les règles de passation applicables. Certes, les dispositions de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 sont inapplicables à ces contrats, mais aucune exclusion comparable n’est prévue par les articles L.1411-1 et suivants du code général des collectivités territoriales. De plus, ces contrats sont soumis aux principes généraux de la commande publique que sont la liberté d’accès à la commande publique, l’égalité de traitement des candidats et la transparence des procédures. Dès lors, en application d’une jurisprudence bien établie, le Conseil d’Etat estime que le pouvoir adjudicateur a l’obligation de fournir aux candidats « avant le dépôt de leurs offres […] l’ensemble des informations et/ou documents pertinents, lesquels doivent nécessairement inclure une information sur les critères de sélection des offres ». En l’occurrence, aucune information relative aux critères de choix du délégataire n’ayant été apportée, c’est à bon droit que le juge du référé précontractuel a annulé la procédure de passation.