Dans un arrêt du 5 octobre 2016 – qui sera mentionné aux Tables du Recueil Lebon –, le Conseil d’État a jugé que le préjudice subi par un agent illégalement révoqué n’est pas indemnisable si sa faute justifiait tout de même son éviction du service et ce, même lorsque l’annulation de la révocation a été prononcée pour un motif de légalité interne.
Dans cette affaire, un ouvrier d’État affecté à la direction des constructions navales de Toulon avait été révoqué par une décision du ministre de la défense avec suspension de ses droits à pension, au motif qu’il s’était rendu coupable d’avoir sollicité ou accepté, de la part d’entreprises en relation avec le service, des cadeaux et avantages pour lui-même et sa famille. La cour administrative d’appel de Marseille avait annulé la décision au motif que le ministre avait commis une erreur manifeste d’appréciation en révoquant l’agent avec suspension de ses droits à pension sans tenir compte des facteurs d’atténuation de sa responsabilité individuelle. Tirant les conséquences de cette décision, le ministre a prononcé la réintégration rétroactive de l’agent et sa radiation des cadres à compter de la date, ultérieure à celle de la décision annulée, de sa condamnation pénale avec privation des droits civiques. L’agent a alors notamment demandé au tribunal administratif de Toulon qu’il condamne l’État à l’indemniser des préjudices résultant de l’illégalité de la décision initiale annulée. Le tribunal administratif et la cour administrative d’appel ont rejeté ses demandes.
Saisi du pourvoi de l’agent, le Conseil d’État a d’abord rappelé qu’en « vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu’il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l’illégalité commise présente, compte tenu de l’importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l’encontre de l’intéressé, un lien direct de causalité ».
Il a ensuite observé que la cour administrative d’appel de Marseille avait reconnu l’illégalité de la révocation avec perte des droits à pension mais avait également considéré que l’agent « avait commis des fautes dont la gravité était suffisante pour justifier son éviction définitive du service et n’était donc pas fondé à demander l’indemnisation de la perte de revenu liée à son éviction ».
Il en a déduit, enfin, que la cour n’avait procédé à aucune substitution de motifs ou de base légale de la décision de révocation mais s’était « bornée à statuer sur l’existence d’un lien direct de causalité entre l’illégalité commise et les préjudices invoqués par le requérant, et à juger que, compte tenu de l’importance respective de l’illégalité commise et des fautes de l’intéressé, les préjudices invoqués n’étaient pas indemnisables ».
Ce faisant, le Conseil d’État a précisé un peu plus l’office du juge de plein contentieux en matière indemnitaire, lequel ne doit pas délaisser l’exigence d’un lien de causalité direct et a donc rendu un peu plus difficile l’obtention, par un agent public illégalement évincé du service, de la réparation de ses préjudices.
Références
CE 5 octobre 2016, M. B., req. n° 380783, mentionné aux Tables