Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

L’autorité de chose jugée s’attachant au jugement annulant un permis de construire

03 octobre 2023

Par une décision du 21 septembre 2023, le Conseil d’Etat considère que le juge de l’excès de pouvoir saisi d’un refus de permis de construire ne peut que confirmer la légalité de ce refus dès lors qu’un précédent jugement, devenu définitif, a annulé pour le même motif le permis de construire délivré pour ce projet.

Par un arrêté du 18 octobre 2016, un maire a refusé un permis de construire trois maisons individuelles, refus contesté par le pétitionnaire devant le Tribunal administratif. Toutefois, en cours d’instance, le maire a, par un arrêté du 6 août 2018, retiré son arrêté de refus et délivré le permis sollicité.

Saisi par les voisins, le Tribunal administratif a alors annulé le permis de construire en raison de l’erreur manifeste d’appréciation au regard de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, le terrain d’assiette du projet étant exposé à des risques de glissement de terrain. Aussi, le Tribunal, refusant de se prononcer au fond, a rejeté dans un jugement du même jour le recours en excès de pouvoir dirigé contre le refus initial de permis de construire, après avoir relevé l’absence de changements de circonstances de droit et de fait, en se fondant sur l’autorité de chose jugée s’attachant à son premier jugement.

Le Conseil d’Etat a confirmé le raisonnement des juges du fond :

« L’autorité de chose jugée s’attachant au dispositif d’un jugement, devenu définitif, annulant un permis de construire ainsi qu’aux motifs qui en sont le support nécessaire fait obstacle à ce que, en l’absence de modification de la situation de droit ou de fait, le refus opposé antérieurement ou ultérieurement par l’autorité administrative à la demande d’un permis ayant le même objet soit annulé par le juge administratif dès lors que ce refus est fondé sur le même motif que celui ayant justifié l’annulation du permis de construire. Alors même que la légalité d’un refus de permis s’apprécie à la date à laquelle il a été pris, il appartient ainsi au juge de l’excès de pouvoir de prendre acte de l’autorité de la chose jugée s’attachant, d’une part, à l’annulation juridictionnelle devenue définitive du permis de construire ayant le même objet, délivré postérieurement à la décision de refus, et, d’autre part, aux motifs qui sont le support nécessaire de cette annulation».

Comme le souligne le Rapporteur public Laurent DOMINGO concluant sur cette affaire, le juge n’a pas fait produire à l’annulation du permis de construire des effets antérieurs à l’acte annulé, mais donne simplement son plein effet à l’autorité de chose jugée pour écarter le moyen dirigé contre un acte dont elle confirme la légalité.

La particularité des faits d’espèce doit être soulignée puisqu’était en cause le même projet, refusé dans un premier temps pour un motif de sécurité, et autorisé dans un second temps mais censuré par le Tribunal pour le même motif de sécurité. Il s’en suit qu’en présence d’un projet d’urbanisme différent, le juge n’aurait pu opposer l’autorité de chose jugée.

L’antériorité du refus ou du permis semblant indifférente, reste à savoir quelles seraient les conséquences d’un jugement qui se serait prononcé sur le refus de permis de construire, en exerçant un contrôle normal de l’erreur d’appréciation, au regard d’un jugement qui devrait statuer sur le permis de construire dont l’annulation est demandée pour le même motif, le juge exerçant alors un contrôle limité à l’erreur manifeste d’appréciation.

CE, 21 décembre 2023, Société A2C, req. n° 467076, publié au recueil Lebon, et ses conclusions.

Newsletter