Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

L’avis sur les risques juridiques liés à la procédure de passation n’est pas un document dont le candidat évincé peut obtenir la communication dès lors qu’il porte atteinte au déroulement équitable du procès

31 octobre 2016

Par un arrêt du 28 septembre 2016, le Conseil d’État juge qu’un avis sur les risques juridiques et contentieux d’une procédure de passation de marché ne peut pas être communiqué à un candidat évincé qui conteste en justice l’attribution de ce marché à l’un de ses concurrents.

Dans cette affaire, des sociétés candidates à l’attribution d’un marché passé par le ministère de l’intérieur concernant l’habillement de la police, attribué à un opérateur concurrent, ont sollicité du ministre un certain nombre de documents relatifs à ce marché et notamment un avis de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques afférent aux risques juridiques du marché litigieux.

Il s’agissait donc pour le Conseil d’État de déterminer la communicabilité d’un tel document au regard l’exception à la communicabilité des documents administratifs prévue à l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978 selon lequel « Ne sont pas communicables les documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : (…) / au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d’opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l’autorité compétente (…) » (désormais codifié à l’article L. 311- 5 du Code des relations entre le public et l’administration).

Pour mémoire, une telle exception s’entend de manière restrictive, le Conseil d’État ayant pu juger que la seule circonstance qu’un document :

  • ait été communiqué à l’autorité judiciaire par l’une des parties à un procès ne suffit pas à établir que sa communication à des tiers porterait atteinte au déroulement de cette procédure (CE 20 avril 2005, Comité d’information et de défense des sociétaires de la mutuelle retraite de la fonction publique, req. n° 265308) ;
  • soit susceptible d’être utilisé dans la procédure juridictionnelle engagée par le demandeur ne saurait par elle-même autoriser l’administration à en refuser la communication, et il en va de même de la seule allégation que cette communication serait de nature à altérer l’égalité des armes entre les parties au procès (CE 16 avril 2012, Ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique c/ Mme Tarditi, req. n° 320571).

En clair, cette exception n’a vocation à s’appliquer que lorsque les prérogatives du juge sont menacées.

En l’espèce, le Conseil d’État relève qu’une telle communication porterait atteinte au déroulement du procès en relevant que « Cet avis a été rédigé dans la perspective d’un contentieux afin d’évaluer les risques et faiblesses juridiques de la procédure de passation du marché en cause. La demande de communication de cet avis émane de sociétés qui ont contesté devant le tribunal administratif de Paris l’attribution du marché à une société concurrente. Compte tenu de l’identité de parties dans les deux litiges, la communication de l’avis aux sociétés requérantes permettrait de porter à la connaissance du juge chargé d’apprécier la légalité du marché des éléments émanant de la partie défenderesse et de nature à plaider contre la cause de cette dernière, portant ainsi atteinte au déroulement équitable du procès. Il s’ensuit qu’en estimant que, dans les circonstances de l’espèce, la communication de cet avis serait de nature à porter atteinte aux procédures juridictionnelles en cours, le tribunal administratif de Paris n’a pas commis d’erreur de droit. »

À la lecture de ce considérant, deux éléments sont mis en avant par le Conseil d’État pour justifier la potentielle atteinte à la procédure en contestation de la validité du contrat en cours. D’une part, l’identité des parties entre ce litige et la procédure en contestation de validité du contrat, permettant ainsi un échange entre elles d’un élément relatif à cette procédure dans une instance pourtant parallèle. D’autre part et surtout, l’objet même du document susceptible d’interférer la procédure en étant de nature à plaider contre l’administration. En effet, la communication d’un tel document dans le cadre d’une instance parallèle pourrait influencer la conviction du juge.

Références

CE 28 septembre 2016, Société Armor Développement et autres, req. n° 390760

Newsletter