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Le contrôle exercé sur les compensations d’obligations de service public attribuées à un concessionnaire

03 octobre 2016

Par un arrêt du 4 juillet 2016, rendu dans le cadre de l’interminable feuilleton juridique opposant la SNCM à la société Corsica Ferries, la Cour administrative de Marseille a illustré de manière particulièrement didactique les modalités de contrôle des compensations d’obligations de service public (COSP) attribuées à un concessionnaire.

Dans cette affaire, Cour administrative d’appel de Marseille était amenée à se prononcer sur la légalité de la convention par laquelle la Collectivité territoriale de Corse avait confié le service public de transport de voyageurs et de marchandises entre le port de Marseille et les ports de Corse à un groupement, composé de la SNCM et la Compagnie méridionale de navigation (CMN). Cette convention prévoyait notamment que la Collectivité territoriale de Corse verserait des compensations financières à ce groupement, en contrepartie des obligations de service public pesant sur lui au titre de la continuité territoriale.

Pour apprécier la conformité de ces COSP au droit européen des aides publiques, la Cour administrative d’appel applique les quatre critères cumulatifs dégagés par la Cour de justice de l’Union européenne dans sa jurisprudence Altmark (CJCE 24 juillet 2003, aff. C-280/00, § 88 à 94) et repris par le Conseil d’Etat (CE 13 juillet 2012 Compagnie méridionale de navigation, n° 355616 : Rec. CE 2012, p. 282) :

  • en premier lieu, l’entreprise bénéficiaire de COSP doit effectivement être chargée de l’exécution d’obligations de service public, lesquelles doivent être clairement définies. En l’espèce, ce critère est implicitement validé par la Cour ;
  • en deuxième lieu, les paramètres sur la base desquels sont calculées les COSP doivent être préalablement établis de façon objective et transparente. Or en l’espèce, le calcul des COSP était fondé sur le montant de la subvention versée au délégataire sortant, à savoir la SNCM, et n’avait pas été communiqué à Corsica Ferries, de sorte que les paramètres de calcul n’étaient pas transparents. La Cour a donc considéré que ce critère avait été méconnu ;
  • en troisième lieu, les COSP ne doivent pas excéder ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public. Or en l’espèce, la Collectivité territoriale de Corse n’a pas pu établir que les paramètres de calcul de ces versements garantissaient l’absence de surcompensation. Dès lors, la Cour a considéré que ce critère avait également été méconnu ;
  • en quatrième lieu, le choix de l’entreprise bénéficiaire doit être effectué soit dans le cadre d’une procédure de marché public permettant de sélectionner le candidat capable de fournir ces services au moindre coût, soit sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée aurait encourus pour exécuter ces obligations. Or en l’espèce, la désignation du bénéficiaire des COSP n’a pas été effectuée dans le cadre d’une procédure de marché public permettant de sélectionner le candidat capable de fournir ces services au moindre coût, puisque la procédure de mise en concurrence avait méconnu le principe d’égalité de traitement des candidats. De plus, aucune analyse des coûts n’avait été réalisée. Dès lors, la Cour a considéré qu’il s’agissait d’une troisième méconnaissance du régime juridique applicable aux COSP.

Par suite, la Cour administrative de Marseille a conclu à l’illégalité de la convention.

Cet arrêt a été rendu sous l’empire de la réglementation antérieure à l’Ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession. Toutefois, le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, qui fondent le droit européen des aides publiques et donc le régime applicable aux COSP, demeurent inchangés. Par suite, en cas d’attribution de COSP, les contrats de concession de service pourront subir un contrôle comparable à celui réalisé dans cette affaire par la Cour administrative d’appel de Marseille.

Références

CAA Marseille 4 juillet 2016, Collectivité territoriale de Corse, req. n° 15MA02101

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