Par un arrêt du 27 septembre 2024, le Conseil d’État a considéré que peu importe le délai écoulé entre la décision d’attribution et l’information des motifs du rejet de l’offre d’un candidat évincé, pourvu que cette information lui parvienne à un moment où il peut utilement contester son éviction devant le juge du référé précontractuel.
En 2022, la région Guadeloupe a décidé de lancer une consultation en vue de la conclusion d’un marché public de travaux qui avait été divisé en plusieurs lots. Au terme de la procédure, l’un des groupements candidats a été déclaré attributaire du lot n°2 par la commission d’appel d’offres lors de sa séance du 12 août 2022. L’offre du candidat évincé a, pour sa part, été rejetée par une décision du 14 novembre 2023, après que la procédure de passation du lot n°1 du même marché public de travaux a été déclarée sans suite par le pouvoir adjudicateur en décembre 2022 puis relancée, après scission de ce lot n°1 en deux nouveaux lots, le 14 juin 2023. Puisque le marché n’avait pas encore été signé, le candidat évincé a saisi le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, qui a fait droit à sa demande d’annulation de la procédure de passation du lot n°2. La région se pourvoit alors en cassation contre cette ordonnance.
Dans cette affaire, la Haute juridiction commence par rappeler que l’information sur les motifs du rejet de son offre dont est destinataire le candidat en application des dispositions des articles L. 2181-1, R. 2181-1, R. 2181-3 et R. 2181-4 du code de la commande publique a notamment pour objet de permettre à la société non retenue de contester utilement le rejet qui lui est opposé devant le juge du référé précontractuel saisi en application de l’article L. 551-1 du code de justice administrative. Par suite, le non-respect de ces dispositions constitue un manquement aux obligations de transparence et de mise en concurrence.
Cependant, un tel manquement n’est plus constitué si « l’ensemble des informations mentionnées aux articles du code de la commande publique précédemment cités, a été communiqué au candidat évincé à la date à laquelle le juge des référés statue sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative », et si « le délai qui s’est écoulé entre cette communication et la date à laquelle le juge des référés statue a été suffisant pour permettre à ce candidat de contester utilement son éviction ». En d’autres termes, le manquement disparaît si l’ensemble des informations dont les opérateurs écartés doivent être destinataires leur sont fournies, d’une part, avant que le juge du référé précontractuel ne statue et, d’autre part, à un moment où ils peuvent utilement contester leur éviction.
Pour le juge de cassation, il ne résulte ni des dispositions des articles L. 2181-1, R. 2181-1, R. 2181-3 et R. 2181-4 du code de la commande publique ni de la finalité de la communication des motifs de rejet de l’offre rappelée ci-dessus, « que le délai écoulé entre la décision d’attribution du marché et l’information d’un candidat évincé du rejet de son offre serait susceptible, à lui seul, de constituer un manquement de l’acheteur à ses obligations de transparence et de mise en concurrence ».
Dans ces conditions, en jugeant que le pouvoir adjudicateur avait commis un manquement en ne communiquant au candidat évincé sa décision concernant l’attributaire du lot n°2 que quinze mois après la réunion de la commission d’appel d’offres, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a commis une erreur de droit. Pour ces raisons, le Conseil d’État annule l’ordonnance attaquée.