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Le droit à un délai raisonnable de jugement s’étend aux ayants droit

03 juillet 2024

Par une décision mentionnée aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat réaffirme le droit à être jugé dans un délai raisonnable en soulignant la possibilité d’inclure dans le calcul de ce délai le temps écoulé supporté par le requérant et par ses ayants droit, même après le décès du premier.

 

Saisi d’une demande d’indemnisation en réparation du préjudice que des ayants droit estiment avoir subi du fait de la durée excessive de la procédure engagée devant la juridiction administrative par le requérant consécutivement à sa prise en charge par un CHU, le Conseil d’Etat commence par rappeler le principe énoncé dans sa décision d’Assemblée Magiera du 28 juin 2002, selon lequel « Il résulte des principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives que les justiciables ont droit à ce que leurs requêtes soient jugées dans un délai raisonnable. (…) Ainsi, lorsque la méconnaissance du droit à un délai raisonnable de jugement leur a causé un préjudice, ils peuvent obtenir la réparation de l’ensemble des dommages, tant matériels que moraux, directs et certains, ainsi causés par le fonctionnement défectueux du service public de la justice. Le caractère raisonnable du délai de jugement d’une affaire doit s’apprécier de manière à la fois globale, compte tenu, notamment, de l’exercice des voies de recours, particulières à chaque instance, et concrète, en prenant en compte sa complexité, les conditions de déroulement de la procédure et, en particulier, le comportement des parties tout au long de celle-ci, mais aussi, dans la mesure où la juridiction saisie a connaissance de tels éléments, l’intérêt qu’il peut y avoir, pour l’une ou l’autre, compte tenu de sa situation particulière, des circonstances propres au litige et, le cas échéant, de sa nature même, à ce qu’il soit tranché rapidement » (CE Assemblée, 28 juin 2002, Magiera, req. n° 239575, au Recueil).

 

Puis, faisant une application de ces règles au cas d’espèce, il juge que « Le requérant qui reprend une instance en qualité d’ayant droit d’une partie au litige décédée en cours d’instance peut demander, en tant qu’héritier de cette partie, réparation du préjudice moral résultant de la durée totale de la procédure, y compris pour la période postérieure au décès de la personne qui avait engagé l’action en justice, pour autant que cette durée excède le délai raisonnable de jugement ».

 

Ainsi, le requérant qui reprend l’instance en qualité d’ayant droit est fondé à demander réparation du préjudice moral ayant résulté de la durée excessive de jugement du litige engagé par le défunt décédé au cours de l’instance.

 

Par ailleurs, il n’est pas inutile de préciser que le juge administratif, invité en ce sens par son rapporteur public Raphaël Chambon, s’inscrit dans le droit fil de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme en prenant en compte comme terme, pour apprécier si la durée de la procédure a été excessive, la date à laquelle le litige a pris fin et non pas celle du décès du requérant (CEDH, 31 mars 1992, X c. France, n° 18020/91 ; Commission, 27 octobre 1998, Ruocco c. Italie, n° 34881/97 ; CEDH, 12 octobre 2000, Aldo Tripodi c. Italie, n° 45078/98 ; CEDH, 19 mai 2005, M.Ö. c. Turquie, n° 26136/95 ; CEDH, Grande chambre, 29 mars 2006, Cocchiarella c. Italie, n° 64886/01).

 

CE 28 mai 2024, req. n° 474541, aux Tables

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