Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Le licenciement d’un agent contractuel recruté pour répondre à un besoin permanent est une opération complexe

01 février 2017

Par un avis contentieux du 23 décembre 2016 qui sera publié au Recueil, le Conseil d’État a apporté de très nombreuses et utiles précisions sur le contentieux du licenciement des agents contractuels.

En l’espèce, le Conseil d’État a été saisi d’une demande d’avis par le tribunal administratif de Melun dans le cadre d’un recours introduit par un agent contractuel de l’État tendant à l’annulation de la décision du Ministre de la Défense du 6 juillet 2015 lui notifiant son licenciement pour suppression de poste. Les questions du tribunal portaient essentiellement sur la recevabilité des recours contestant les différentes décisions susceptibles d’intervenir lors de la procédure de licenciement ainsi que des moyens susceptibles d’être soulevés.

D’abord, le Conseil d’État affirme que la lettre recommandée par laquelle l’administration notifie à l’agent sa décision de le licencier, ses motifs ainsi que sa date d’effet et l’invite à présenter une demande écrite de reclassement revêt le caractère « d’une décision faisant grief », de sorte que « l’agent concerné peut former un recours pour excès de pouvoir contre elle ».

Si elle ne surprend pas, l’explication que le juge prend le soin d’exposer expressément a tout de même le mérite de la clarté : le courrier notifiant la décision de licenciement « a pour effet de priver l’agent de son emploi tel qu’il résulte de son contrat et, s’il n’est pas fait usage de la faculté de reclassement, de mettre fin à son emploi dans l’administration ». Ainsi, le seul fait que la mise en œuvre effective du licenciement soit subordonnée à l’échec de la procédure de reclassement ne fait pas de la lettre recommandée un simple acte préparatoire et ne lui retire pas le caractère d’une décision susceptible de recours.

Ensuite, le Conseil d’État précise le régime des décisions susceptibles d’être adoptées postérieurement à la lettre de notification de la décision de licenciement. Aussi juge-t-il que la décision de reclassement – intervenant si l’agent en fait la demande –, la décision de placement en congé sans traitement – adoptée si un reclassement n’a pu être trouvé avant la fin du préavis –, et la décision de licenciement – édictée en cas d’échec de la procédure – doivent nécessairement revêtir une forme écrite, sans pour autant que l’administration n’ait de nouveau à convoquer l’agent en entretien ou à saisir la commission consultative.

S’il ne prend pas, cette fois, le soin d’en exposer explicitement la raison, le Conseil d’État ajoute que ces décisions sont, elles aussi, susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Cette précision se comprend facilement dans la mesure où, tout comme la lettre notifiant la décision de licenciement, ces actes ont une influence certaine sur la position, le contrat et l’emploi de l’agent.

Les décisions intervenant dans la procédure de licenciement d’un agent contractuel sont donc toutes, individuellement, des décisions faisant grief susceptibles de recours. En revanche, dès lors que leurs adoptions sont toutes conditionnées par l’édiction de la décision précédente, le Conseil d’État indique que l’annulation de la décision initiale de licenciement emporte, par voie de conséquence, l’annulation des décisions postérieures.

Enfin, et c’est là la portée essentielle de l’avis, le Conseil d’État qualifie le licenciement d’un agent contractuel d’« opération complexe ». En effet, en l’espèce, la décision finale de licenciement ne peut être adoptée que si ont été édictées au préalable la décision de procéder au licenciement et, le cas échéant, la décision de reclassement, de placement en congé sans traitement et de constat de l’échec du reclassement.

Eu égard au lien étroit entre toutes ces décisions, la qualification d’opération complexe ne surprend pas. Et le Conseil d’État l’avait d’ailleurs déjà adoptée à propos du licenciement d’un instituteur stagiaire (CE 6 janvier 1989, Simard, req. n°86261, publié au Recueil) et reconnu à de multiples reprises dans le cadre des opérations de recrutement dans la fonction publique, par voie de concours notamment.

Concrètement, pour l’agent licencié, cette qualification permet de faire obstacle au principe selon lequel, après l’expiration du délai de recours, l’exception d’illégalité d’un acte non règlementaire est irrecevable. En d’autres termes, il pourra, dans le cadre d’un recours exercé contre la décision prononçant son reclassement, le plaçant en congé sans traitement ou procédant à son licenciement, soulever un moyen tiré de l’illégalité de la décision initiale de licenciement ou des décisions subséquentes.

Références

CE, avis, 23 décembre 2016, req. n°402500, sera publié au Recueil

Newsletter