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Le refus de modifier les limites territoriales d’une commune relève de la compétence des tribunaux administratifs

16 novembre 2022

Par une décision du 14 octobre 2022, mentionnée aux Tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat a considéré que le recours formé à l’encontre d’une décision de refus de modification des limites territoriales d’une commune relève de la compétence des tribunaux administratifs en premier ressort, quand bien même cette modification aurait pour effet de porter atteinte aux limites cantonales définies par décret.

En l’espèce, à la suite d’une pétition des habitants du quartier de Polangis relevant de la ville de Champigny-sur-Marne, l’Association « Réunissons Polangis » a déposé auprès de la préfecture du Val-de-Marne un dossier demandant le rattachement de ce quartier à la commune de Joinville-le-Pont sur le fondement de la procédure prévue aux articles L. 2112-2 et suivants du code général des collectivités territoriales (CGCT). Après enquête publique, consultation d’une commission consultative des habitants du quartier et saisine du Ministère de l’intérieur, le Préfet du Val-de-Marne a rejeté la demande de l’association. Cette dernière a donc saisi le tribunal administratif de Melun afin de solliciter l’annulation tant de la décision du 30 juillet 2019 du Ministre de l’intérieur, que de la décision du 2 août 2019 du préfet du Val-de-Marne rejetant sa demande de modification des limites territoriales. Cependant, par une ordonnance du 27 octobre 2021, le tribunal administratif de Melun s’est déclaré incompétent, ce dernier considérant que le litige relevait de la compétence en premier et dernier ressort du Conseil d’Etat.

Par principe, aux termes de l’article L. 2112-5 du CGCT, les décisions relatives à la modification des limites territoriales des communes sont prononcées par arrêté du préfet. Cependant, l’alinéa 2 de cet article précise qu’« un décret en Conseil d’État, sur la proposition du ministre de l’Intérieur, est requis lorsque la modification territoriale projetée a pour effet de porter atteinte aux limites cantonales », ce qui était le cas en l’espèce. Il convient toutefois de relever que de jurisprudence constante, les décisions affectant des limites territoriales – y compris lorsqu’elles relèvent de la compétence du Ministère de l’Intérieur – ne constituent pas des actes règlementaires (CE, 4 juillet 1980, Mme Audebert, req. n°10038). Or, l’article R. 311-1 du code de justice administrative définissant la compétence du Conseil d’Etat en premier et dernier ressort vise uniquement les « recours dirigés contre les actes réglementaires des ministres et des autres autorités à compétence nationale et contre leurs circulaires et instructions de portée générale ».

Aussi, le Conseil d’Etat a logiquement considéré que « La décision par laquelle l’autorité administrative refuse de faire droit à une demande de modification des limites territoriales des communes ne présente pas de caractère réglementaire et n’est pas au nombre des recours qui doivent être présentés devant le Conseil d’Etat en application de l’article R. 311-1 du code de justice administrative, quand bien même cette modification aurait pour effet de porter atteinte aux limites cantonales définies par décret. Aucune autre disposition de ce code ne donne compétence au Conseil d’Etat pour connaître en premier et dernier ressort des conclusions de l’association Réunissons Polangis ». Et ce faisant, la Haute juridiction a décidé de renvoyer l’affaire devant le tribunal administratif de Paris « compétent pour en connaître en application des dispositions de l’article R. 312-1 du code de justice administrative ».

Par cette décision, le Conseil d’Etat maintient donc sa ligne jurisprudentielle suivant laquelle les décisions ministérielles prises par décret en Conseil d’Etat relèvent de la compétence du Conseil d’Etat, mais non « le refus de prendre un tel décret [qui] n’a pas à être obligatoirement précédé de l’avis du conseil d’Etat et constitue un acte administratif non règlementaire ; que dès lors le Conseil d’Etat statuant au contentieux n’est pas compétent pour en connaître en premier ressort » (CE, 15 octobre 1982, Ville de Dignes, req. n° 38403 ; pour une application en matière de limitation du territoire communale :  CE, 14 novembre 1997, Assoc. Des habitants de l’enclave de Pujaut, req. n° 171878).

CE, Association « Réunissons Polangis », 14 octobre 2022, req. n° 457980

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