La Cour administrative d’appel de Nancy s’est récemment prononcée sur la légalité du procédé consistant à verser au délégataire, dès le début du contrat, une somme visant à compenser par anticipation la reprise par l’autorité délégante, au terme du contrat, des biens acquis ou réalisés par le délégataire et qui n’auront pas été totalement amortis.
Dans cette affaire, le syndicat mixte intercommunal Cablimages avait conclu avec la société NC Numéricable une délégation de service public portant sur le financement, la conception, la construction et l’exploitation d’un réseau de communications électroniques, pour une durée de quinze ans. S’agissant d’un bien de retour, ce réseau de communications électroniques devait être remis à l’autorité délégante en fin de contrat. Toutefois, la durée de quinze ans n’étant pas suffisante pour permettre l’amortissement de l’ensemble de ces investissements, le syndicat mixte s’est engagé à compenser par anticipation la valeur des investissements qui ne seraient pas amortis à la fin du contrat, en versant à son cocontractant, de façon échelonnée durant les deux premières années d’exécution des travaux, une somme totale de 2 511 000 euros. La société Orange, concurrente de la société NC Numéricable, a formé un recours contre le contrat de délégation de service public, estimant que ce versement par anticipation constituait une aide d’État, attribuée en méconnaissance des articles 107 à 109 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
En l’espèce, la Cour administrative d’appel a estimé que ce versement ne constituait pas une aide d’État, et par conséquent, a rejeté le recours formé par la société Orange. Pour ce faire, elle s’est livrée à un raisonnement en deux temps.
En premier lieu, la Cour a fait évaluer la valeur nette comptable résiduelle de l’investissement réalisé par NC Numéricable, en fin de contrat. À cet égard, la Cour a sollicité l’intervention d’un expert, qui a conclu que cette valeur nette comptable résiduelle était de 3 843 000 euros. Contrairement à ce qu’affirmait la société Orange, c’est à bon droit que cette évaluation s’est référée aux conditions réelles de réalisation des investissements par le délégataire.
En second lieu, la Cour devait tenir compte du fait que ce versement anticipé avait permis au délégataire de se dispenser, dans cette mesure, de faire appel à un financement bancaire. Par conséquent, pour s’assurer de l’absence d’aide d’Etat, elle a dû procéder à une actualisation de la somme versée à la date du terme du contrat. À ce titre, elle a fait application du taux d’intérêt publié par la Banque de France pour octobre 2009 relatif aux emprunts supérieurs à 1 524 000 euros, qui était alors de 2,65 %. Appliqué au montant de 2 511 000 euros sur la durée du contrat, ce taux aboutit à un montant actualisé à la date du terme du contrat de 3 640 000 euros.
En définitive, le versement accordé par l’autorité délégante, actualisé à la date du terme du contrat (3 640 000 euros), était inférieur à la valeur nette comptable résiduelle en fin de contrat (3 843 000 euros). Dès lors, la société NC Numéricable n’a bénéficié d’aucun avantage, et partant, d’aucune aide d’Etat attribuée en méconnaissance des articles 107 à 109 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.