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Légalité de l’arrêté municipal interdisant la fouille des poubelles

03 décembre 2017

Par un arrêt en date du 15 novembre 2017, mentionné dans les tables du recueil Lebon, le Conseil d’État précise l’office du juge à l’égard d’une mesure de police soupçonnée d’avoir un caractère discriminatoire.

S’agissant du contexte, rappelons que le maire de La Madeleine, aux fins de préservation de l’ordre public, a interdit la fouille des poubelles, conteneurs et lieux de regroupement de déchets sur le territoire de la commune par un arrêté du 29 juillet 2011. Considérant que cette mesure était discriminatoire à l’égard des populations roms, la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen a sollicité son annulation pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Lille qui a rejeté sa demande par un jugement du 12 avril 2012, ce qui a été confirmé par un arrêt de la cour administrative d’appel de Douai du 27 novembre 2013 qui avait retenu l’absence d’intérêt de la requérante lui donnant qualité pour agir contre cet arrêté.

Cet arrêt ayant été annulé par une décision du 4 novembre 2015 du Conseil d’État qui avait retenu l’intérêt à agir de la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen, l’affaire a été renvoyée devant la même cour qui, par l’arrêt attaqué du 5 juillet 2016, a de nouveau rejeté l’appel interjeté par l’association requérante contre le jugement de première instance au motif cette fois que l’arrêté n’avait pas de caractère discriminatoire. Saisi de cet arrêt, le Conseil d’État a confirmé la décision de la Cour administrative de Douai.

D’abord, le Conseil d’État rappelle la définition d’une discrimination donnée par l’article 1er de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations aux termes duquel « Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son origine, de son sexe, de sa situation de famille, de sa grossesse, de son apparence physique (…), une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable. / Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés ».

Puis, le Conseil d’État précise le contrôle que doit opérer le juge administratif sur le caractère discriminatoire d’une mesure de police en considérant « qu’il résulte de ces dispositions que la seule circonstance qu’une mesure de police d’application générale affecte particulièrement la situation de certaines personnes ne suffit pas à lui conférer un caractère discriminatoire » et qu’il appartient donc au juge, saisi d’un recours pour excès de pouvoir contre une telle mesure, « de vérifier qu’elle est justifiée par la nécessité de prévenir ou faire cesser un trouble à l’ordre public et de contrôler son caractère proportionné en tenant compte de ses conséquences pour les personnes dont elle affecte la situation, en particulier lorsqu’elle apporte une restriction à l’exercice de droits ».

Faisant application de ce contrôle, le Conseil d’État relève que, dans l’arrêt attaqué, la Cour avait retenu que :

  • le maire de La Madeleine avait été « alerté sur les désagréments causés en plusieurs endroits du territoire communal par la fouille des poubelles destinées à la collecte des déchets et qu’une telle pratique porte atteinte à la salubrité publique en provoquant l’éparpillement, dans les poubelles ou sur la voie publique, du contenu des sacs dans lesquels les ordures sont déposées et qu’elle perturbe» ;
  • la mesure d’interdiction prise par le maire afin de faire cesser ce trouble à l’ordre public « n’avait restreint l’exercice d’aucun droit» ;
  • l’arrêté litigieux « ne visait aucune catégorie de personnes» ;
  • le fait qu’il ait été pris « dans un contexte marqué par l’installation à proximité de la commune de personnes d’origine rom» et « qu’il aurait été traduit en roumain et en bulgare », ne sont pas de nature à établir qu’il revêtirait un caractère discriminatoire.

Ainsi, puisque la Cour administrative de Douai, dans le cadre d’une appréciation souveraine des faits de l’espèce, a notamment constaté « l’existence, à la date de l’arrêté litigieux, d’un trouble à l’ordre public résultant de la fouille des poubelles » et s’est « attachée à vérifier le caractère proportionné de l’interdiction décidée par le maire en tenant compte des conséquences de cette mesure pour les personnes concernées », le Conseil d’État valide le caractère proportionné de l’arrêté litigieux et rejette de ce fait le pourvoi de la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen.

CE 15 novembre 2017, Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen, req. n° 403275

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