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L’encadrement de l’indemnisation de la rupture des négociations contractuelles et de son règlement transactionnel

02 janvier 2017

Par un arrêt du 9 décembre 2016, le Conseil d’État précise d’une part le régime indemnitaire de la rupture unilatérale des négociations contractuelles par une personne publique, et d’autre part les modalités d’appréciation de l’équilibre des concessions réciproques contenues dans une transaction.

Dans cette affaire, la Société Foncière Europe s’était portée acquéreur d’une friche industrielle au sein de laquelle elle souhaitait réaliser un parc d’entreprises, sur le territoire de la commune de Grasse. La Communauté d’agglomération (CAPAP), qui souhaitait prendre part à ce projet afin de le consacrer à l’industrie de la parfumerie qui fait la renommée et l’attrait touristique de cette région, a entamé des négociations avec la Société Foncière Europe. Par la suite, les entreprises du secteur de la parfumerie ayant fait connaître leur absence d’intérêt pour ce projet, la CAPAP a rompu unilatéralement ces négociations. La Commune de Grasse a alors acquis la friche industrielle en exerçant son droit de préemption, puis l’a rétrocédé à la CAPAP. En conséquence, la Société Foncière Europe a saisi le Tribunal administratif d’un recours indemnitaire, dont elle s’est finalement désistée à la suite de la conclusion d’une transaction avec la CAPAP et la Commune de Grasse. Cette transaction a fait l’objet d’un recours d’un conseiller municipal d’opposition. C’est dans ce cadre que le Conseil d’État s’est prononcé sur la légalité de cette transaction.

D’abord, il précise le régime indemnitaire de la rupture unilatérale des négociations contractuelles par une personne publique. En principe, la rupture unilatérale de négociations contractuelles pour un motif d’intérêt général ne constitue pas une faute et n’ouvre aucun droit à indemnisation. Par exception, une telle rupture unilatérale peut constituer une faute si au cours des négociations, la personne publique a incité son partenaire à engager des dépenses en lui donnant à tort l’assurance que le contrat serait signé, sous réserve que le partenaire n’ait pu légitimement ignorer le risque auquel il s’exposait. Toutefois, dans cette seconde hypothèse, les conséquences de cette faute sont limitées puisque le partenaire n’a aucun droit à la conclusion du contrat, et il ne peut demander l’indemnisation que des dépenses exposées, à l’exclusion notamment du manque à gagner qui ne constitue pas un préjudice indemnisable.

Ensuite, le Conseil d’État précise les modalités d’appréciation des concessions réciproques consenties dans le cadre d’une transaction. Selon lui, ces concessions doivent être appréciées de manière globale, et non isolément pour chaque poste de préjudice. Par suite, ce n’est que si les concessions de la personne publique sont, d’un point de vue global, manifestement disproportionnées aux concessions d’une autre partie, que la transaction constituera une libéralité et présentera par conséquent un caractère illicite. Le terme « manifestement » employé par le Conseil d’État montre par ailleurs que ce contrôle est restreint à celui de l’erreur manifeste d’appréciation.

Par conséquent, en l’espèce, le Conseil d’État procède à une appréciation globale des concessions des parties. La Commune de Grasse et la CAPAP s’étaient engagées à payer à la Société Foncière Europe la somme de 750 000 euros, constituée d’une indemnité de 450 000 euros au titre des pertes subies, et d’une indemnité de 300 000 euros au titre du manque à gagner. Or, comme exposé précédemment, le manque à gagner n’est pas un préjudice indemnisable. Dans ces conditions, le Conseil d’État caractérise l’existence de « concessions manifestement disproportionnées », et conclut à l’illégalité de la transaction.

Références

CE 9 décembre 2016, Société Foncière Europe, req. n° 391840, sera mentionné dans les tables du recueil Lebon

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