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Les actes de « droit souple » sont susceptibles de recours contentieux

01 avril 2016

Par deux décisions rendues par l’Assemblée du contentieux le 21 mars 2016, et qui seront publiées au Recueil, le Conseil d’État admet, à certaines conditions, la recevabilité des recours en annulation contre des actes de droit souple, tels que des communiqués de presse ou des prises de position d’autorités publiques.

L’on rappellera, en effet, que, par principe, seuls les actes administratifs modifiant l’ordonnancement juridique, c’est-à-dire créant des droits ou des obligations juridiques à l’égard de personnes morales ou physiques, sont susceptibles de recours juridictionnel.

Cependant, la jurisprudence a progressivement admis un certain nombre d’exceptions à cette règle. En particulier, dans sa décision Formindep (CE, 27 avril 2011, n° 334396, Rec. p. 168), le Conseil d’État a estimé que des recommandations de bonnes pratiques médicales adoptées par la Haute Autorité de santé (HAS) doivent être regardées comme des décisions faisant grief dans la mesure où elles sont susceptibles d’être prises en compte par de multiples acteurs, qu’il s’agisse des professionnels de santé libéraux ou hospitaliers, des ordres professionnels ou de l’assurance-maladie.

Les deux arrêts commentés s’inscrivent dans le prolongement de la jurisprudence Formindep.

La première affaire concernait des communiqués de presse publiés par l’Autorité des marchés financiers (AMF) sur son site internet. Dans ces communiqués, l’AMF incitait les investisseurs à la prudence concernant des placements immobiliers proposés par la société requérante car elle estimait que ces placements étaient commercialisés de façon « très active par des personnes tenant des discours parfois déséquilibrés au regard des risques encourus ». La seconde était relative à une prise de position de l’Autorité de la concurrence concernant une injonction assortissant la décision par laquelle elle avait autorisé, le 23 juillet 2012, le rachat de TPS et CanalSatellite par Vivendi et le Groupe Canal Plus. La société Numéricable, estimant cette prise de position erronée, l’a attaquée.

Par une considérant (identique dans les deux décisions) le Conseil d’État juge désormais que « les avis, recommandations, mises en garde et prises de position adoptés par les autorités de régulation dans l’exercice des missions dont elles sont investies, peuvent être déférés au juge de l’excès de pouvoir lorsqu’ils revêtent le caractère de dispositions générales et impératives ou lorsqu’ils énoncent des prescriptions individuelles dont ces autorités pourraient ultérieurement censurer la méconnaissance ; que ces actes peuvent également faire l’objet d’un tel recours, introduit par un requérant justifiant d’un intérêt direct et certain à leur annulation, lorsqu’ils sont de nature à produire des effets notables, notamment de nature économique, ou ont pour objet d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s’adressent ; que, dans ce dernier cas, il appartient au juge, saisi de moyens en ce sens, d’examiner les vices susceptibles d’affecter la légalité de ces actes en tenant compte de leur nature et de leurs caractéristiques, ainsi que du pouvoir d’appréciation dont dispose l’autorité de régulation ; qu’il lui appartient également, si des conclusions lui sont présentées à cette fin, de faire usage des pouvoirs d’injonction qu’il tient du titre Ier du livre IX du code de justice administrative ».

En effet, ainsi que l’explique le communiqué du Conseil d’État sur ces décisions, les actes de droit souple attaqués, « par leur publicité et la qualité de leur auteur, influencent fortement, dans les faits, les acteurs du marché, bien qu’ils ne soient nullement tenus de suivre la position de ces autorités publiques d’un point de vue juridique ».

Les autorités de régulation devront désormais prendre garde à la teneur de leurs prises de position et autres formes d’expression relevant du « droit souple » sous peine de les voir faire l’objet de recours contentieux.

Références

CE, Ass., 21 mars 2016, Société Fairvesta International GMBH et autres, req. n° 368082, sera publiée au Recueil

CE, Ass., 21 mars 2016, Société NC Numéricable, req. n° 390023, sera publiée au Recueil

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