Par une décision en date du 19 juillet 2017, publiée au Recueil Lebon, le Conseil d’État précise les modalités encadrant le recours à des consultations ouvertes du public dans le cadre défini par l’article L. 131-1 du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA).
En application de la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, les organes délibérants des nouvelles régions créées par celles-ci devaient donner au gouvernement un avis sur le nom et le chef-lieu de la collectivité. C’est ainsi que le conseil régional de la Région transitoirement dénommée Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées a décidé de consulter la population par internet sur cinq propositions et a retenu l’appellation Occitanie qui a ensuite été acceptée par le Premier ministre par un décret du 28 septembre 2016.
Ce décret ayant fait l’objet d’un recours pour excès de pouvoir formé par des associations et des particuliers, le Conseil d’État a dû préciser la portée de l’article L. 131-1 du CRPA qui prévoit que « lorsque l’administration décide, en dehors des cas régis par des dispositions législatives ou réglementaires, d’associer le public à la conception d’une réforme ou à l’élaboration d’un projet ou d’un acte, elle rend publiques les modalités de cette procédure, met à disposition des personnes concernées les informations utiles, leur assure un délai raisonnable pour y participer et veille à ce que les résultats ou les suites envisagées soient, au moment approprié, rendus publics ».
Après avoir validé la possibilité de procéder à la consultation de la population par le biais d’un site internet, le Conseil d’État considère, de manière générale, qu’« il incombe en particulier à l’autorité administrative qui organise une consultation dans les cas qui relèvent de l’article L. 131-1 du code des relations du public et de l’administration d’en déterminer les règles d’organisation conformément aux dispositions de cet article et dans le respect des principes d’égalité et d’impartialité, dont il découle que la consultation doit être sincère ». Puis, plus précisément, le Conseil d’Etat détaille les conditions à respecter pour mettre en œuvre une telle consultation en jugeant que l’administration doit notamment :
- « mettre à disposition des personnes concernées une information claire et suffisante sur l’objet de la consultation et ses modalités afin de leur permettre de donner utilement leur opinion» ;
- « laisser un délai raisonnable pour participer» à la consultation ;
- « veiller à ce que les résultats ou les suites envisagées soient, au moment approprié, rendus publics» ;
- procéder à une « définition du périmètre du public consulté» qui « soit pertinente au regard de son objet » ;
De plus, le Conseil d’État considère qu’afin d’assurer la sincérité de la consultation, l’administration doit prendre, en fonction de l’objet de cette consultation et du périmètre du public consulté, « toute mesure relative à son organisation de nature à empêcher que son résultat soit vicié par des avis multiples émanant d’une même personne ou par des avis émis par des personnes extérieures au périmètre délimité » et doit veiller « au bon déroulement de la consultation dans le respect des modalités qu’elle a elle-même fixées ».
Enfin, le Conseil d’État précise l’office du juge pour contrôler la décision prise après une telle consultation en jugeant qu’il doit apprécier si les exigences précitées « ont été méconnues et, notamment, si les conditions de mise en œuvre de la consultation ont pu être de nature à en vicier le résultat ». Toutefois, reprenant la logique de la jurisprudence Danthony, le Conseil d’Etat précise que toute irrégularité n’entraîne pas l’annulation de la décision puisque le juge doit apprécier si l’irrégularité de la consultation « a privé les intéressés d’une garantie ou a été susceptible d’exercer une influence sur l’acte attaqué ».
En l’espèce, le Conseil d’État retient que la consultation organisée par la nouvelle région n’était pas irrégulière en estimant notamment que le périmètre du public consulté n’était pas dénué de pertinence au regard de l’objet de la consultation et, en outre, que la région a exigé des personnes exprimant leur avis sur Internet qu’elles indiquent un numéro de portable français et une adresse électronique, dont la validité était vérifiée. Ainsi, en entérinant le nom Occitanie, le Premier ministre n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation et n’a pas abandonné son pouvoir de décision au lieu de l’exercer en suivant l’avis émis par le conseil régional.
CE 19 juillet 2017, Association citoyenne pour Occitanie pays catalan et autres, req. n° 403928