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L’extension du bénéfice de la protection fonctionnelle aux collaborateurs occasionnels du service public

01 février 2017

Conformément à la conception extensive – tant d’un point de vue matériel que personnel – de la protection fonctionnelle prévue à l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, le Conseil d’État vient d’étendre le champ d’application de cette protection particulière aux collaborateurs occasionnels du service public.

Un principe général du droit relatif à la protection fonctionnelle avait déjà été dégagé par le Conseil d’État dans un arrêt « Centre hospitalier de Besançon », permettant ainsi de placer l’ensemble des agents publics sur un pied d’égalité, peu importe leur catégorie d’appartenance, ou encore leur statut de contractuel ou de titulaire, en considérant que : « lorsqu’un agent public a été poursuivi par un tiers pour faute de service, la collectivité publique doit, dans la mesure où une faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions n’est pas imputable à cet agent, le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui ; que ce principe général du droit a d’ailleurs été consacré expressément en ce qui concerne les fonctionnaires de l’État par l’article 14 de la loi du 19 octobre 1946 repris par l’article 11 de l’ordonnance du 4 février 1959 et, en faveur des agents des communes et des établissements publics communaux et intercommunaux par l’article 9 de la loi du 28 avril 1952 dont les dispositions ont été reprises par l’article 428 du Code de l’administration communale » (CE 24 avril 1963, Centre hospitalier de Besançon, req. n°  4278, Rec. p. 243 ; voir également : CE Sect., 5 mai 1971, Gillet, req. n° 79494, Rec. p. 324 ; CAA Bordeaux,25 mai 1998, M. Francis X…, req. n° 96BX01847).

Et si les juges du fond ont pu, à plusieurs reprises, s’opposer à une conception trop extensive de ce principe (voir par exemple en ce sens CAA Lyon, 25 novembre 2008, M. Pierre X…, req. n° 06LY01776, mentionné aux Tables : « Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. X n’a pas été poursuivi à raison d’actes accomplis pour le compte de la commune de Grenoble, mais à raison d’actes accomplis pour le compte des sociétés d’économie mixte Gaz et électricité de Grenoble et Générale de production hydroélectrique, en qualité de président de leurs conseils d’administration et dans l’exercice de fonctions confiées par lesdits conseils d’administration; qu’ainsi, alors qu’il ne se trouvait pas dans l’une des situations prévues par les dispositions précitées du code général des collectivités territoriales, le requérant ne peut utilement s’en prévaloir, ni invoquer la méconnaissance d’un principe général de protection des agents publics »), le Conseil d’État a solennellement clarifié la lecture qu’il convient de retenir s’agissant du champ d’application de ce principe, en infirmant la position adoptée par les juges du fond et en jugeant que devaient bénéficier d’une telle protection les agents consulaires élus, dans la mesure où celle-ci devait pouvoir être accordée à tout agent, « quel que soit le mode d’accès à leurs fonctions » (CE Sect., 8 juin 2011, Farré, req. n° 312700, Rec. p. 270).

C’est donc selon ce même raisonnement que le Conseil d’État, dans l’affaire commentée, a étendu le bénéfice de la protection fonctionnelle aux collaborateurs occasionnels du service public, sous réserve que ne puisse leur être imputée une faute qualifiable de personnelle.

Plus étonnante est la passerelle empruntée par le Conseil d’État pour procéder à cette inclusion, en assimilant le collaborateur occasionnel du service public à un agent public, alors qu’initialement, cette construction jurisprudentielle devait seulement permettre l’indemnisation des personnes victimes d’un dommage intervenu lors de leur participation ponctuelle et désintéressée à l’exécution d’un service public sur le fondement d’une responsabilité pour risque de la personne publique (voir par exemple : CE Ass. 22 novembre 1946, Commune de Saint-Priest-la-Plaine, req. n° 74725, Rec. p. 279 ; CE Sect. 25 septembre 1970, Commune de Batz-sur-Mer, req. n° 73707, Rec. p. 540). Autrement dit, ce régime poursuivait une logiquement purement indemnitaire et non statutaire. Mais si la qualification d’agent public pour un collaborateur occasionnel peut, de prime abord, surprendre, plusieurs arrêts marquaient déjà cette tendance au rapprochement et la Cour administrative d’appel de Bordeaux avait déjà jugé, en creux, que les collaborateurs occasionnels du service public devaient bénéficier de la protection fonctionnelle (CAA Bordeaux 6 octobre 2009, Djellil, req. n° 08BX03187).

Cependant, en l’espèce, le Conseil d’État a reconnu que si l’implication croissante du requérant – informateur de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières et condamné pour complot d’importation de stupéfiants par des juridictions étrangères – dans un réseau de trafiquants de drogues a été encouragée à l’origine par l’administration des douanes, « les faits pour lesquels il a été condamné étaient dépourvus de tout lien avec les fonctions exercées en qualité d’informateur ». Reconnaissant ainsi la faute personnelle du requérant, le Conseil d’État a donc confirmé la solution retenue par la Cour administrative d’appel, rejetant les conclusions de M. B… tendant à engager la responsabilité de l’État qui lui avait refusé l’octroi de la protection fonctionnelle.

Références

CE 13 janvier 2017, M. B…, req. n° 386799, sera publié au Recueil

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