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L’impossible décompte général et définitif rectificatif

05 février 2024

Par un arrêt du 16 janvier 2024, la cour administrative d’appel de Paris est venue rappeler que le décompte général et définitif s’impose tant à l’entreprise qu’au maître d’ouvrage et que ce dernier ne peut, au prétexte d’avoir omis d’y mentionner certaines sommes, émettre en principe un décompte général rectificatif.

Une région a confié un marché de restructuration-extension d’un lycée qui a donné lieu à la procédure de règlement financier. Par un premier courrier, la région a notifié le décompte général à l’entreprise et a procédé au paiement du solde du marché. Puis, par un deuxième courrier envoyé plus d’un an après, la région a notifié un décompte rectificatif et mis en demeure l’entreprise de lui reverser une somme de 100 000 euros HT. Par un troisième courrier adressé quatre ans après, la région a notifié un ultime décompte rectificatif faisant apparaître cette somme à payer, pour finalement émettre un titre exécutoire d’un montant supérieur. Contestant le bien-fondé de la créance, l’entreprise a saisi le tribunal administratif de Melun qui a annulé le titre. La région a relevé appel de ce jugement. Se posait donc la question de savoir si un maître d’ouvrage peut émettre un décompte rectificatif pour revenir sur ses propres erreurs et omissions.

Pour confirmer la solution retenue en première instance, la cour administrative d’appel de Paris a rappelé la jurisprudence classique en matière de décompte général et définitif. D’une part, les juges d’appel soulignent que « l’ensemble des opérations auxquelles donne lieu l’exécution d’un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l’établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. L’ensemble des conséquences financières de l’exécution du marché sont retracées dans ce décompte même lorsqu’elles ne correspondent pas aux prévisions initiales ». D’autre part, il est rappelé qu’un décompte général et définitif peut être rectifié en cas d’erreur matérielle, d’omission ou de fraude ; notions que le Conseil d’Etat interprète de manière particulièrement restrictive pour donner son plein effet au principe d’intangibilité (CE 28 septembre 2001, Société Quillery, req. n° 182761). Comme le précisait Madame Bergeal dans ses conclusions sur l’affaire Quillery, « cette exception peut paraître généreuse. Il n’en est rien » ; un mode de calcul erroné n’étant pas une erreur de décompte, pas d’avantage qu’un oubli d’appliquer une clause de révision ou le fait de traduire un coefficient multiplicateur de 2 par une majoration de 200%.

Au cas présent, les erreurs alléguées (double prise en compte de travaux supplémentaires, erreur dans l’addition des montants validés par les ordres de service, erreur sur le montant de l’assiette de la révision) entachant le décompte initial ne pouvaient être regardées comme des erreurs au sens de la jurisprudence administrative, de sorte que la région ne pouvait émettre ses décomptes rectificatifs. L’annulation du titre exécutoire s’est donc trouvée confirmée.

Si la solution peut paraître dure, elle a le mérite de s’inscrire dans un courant jurisprudentiel constant qui donne aux parties – maîtres d’ouvrage et entreprises – toute la prévisibilité dont elles peuvent avoir besoin lors des opérations de règlement financier définitif des travaux.

CAA Paris 16 janvier 2024, Région Ile-de-France, req. n° 22PA00826

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