Dans un arrêt rendu le 20 mai 2016, le Conseil d’État juge que le licenciement pour insuffisance professionnelle d’un agent contractuel peut se fonder sur les insuffisances managériales de cet agent, sans que ne soit par ailleurs remise en cause la suffisance de ses connaissances techniques.
Le Conseil d’État casse la solution retenue par la Cour administrative d’appel qui avait considéré que le licenciement en cause n’était pas justifié en se fondant sur les vingt-cinq années de service de l’agent en matière culturelle ainsi que sur le fait que ses qualités professionnelles avaient été certifiées tant par son ancien supérieur hiérarchique que par une élue du conseil général de Loire-Atlantique. Pour autant, le Conseil d’État a considéré que, quand bien même les compétences techniques en matière d’action culturelle de ce dernier n’avaient jamais été remises en cause, son « incapacité à développer des relations de travail adéquates avec ses équipes », alors que le poste de directeur de la culture occupé par l’agent exigeait « des qualités professionnelles de gestion, de communication, de dialogue et de conduite du changement, ainsi d’ailleurs que sa fiche de poste le mentionnait », justifiait que celui-ci soit licencié pour insuffisance professionnelle.
Cette solution retenue par le Conseil d’État brouille un peu plus la frontière pourtant déjà ténue existant entre insuffisance professionnelle et faute, puisque le Conseil d’État a, dans le même arrêt, refusé de censurer la mesure de suspension qui avait précédé le licenciement de l’agent et qui se fondait sur l’emploi, par ce dernier, « de propos grossiers, déplacés et dévalorisants de nature à heurter gravement certains de ses collaborateurs ou collaboratrices ». À cet égard, rappelons que la Cour administrative d’appel de Nancy avait jugé que l’insuffisance professionnelle n’était pas au nombre des motifs de nature à justifier légalement une mesure de suspension, « laquelle doit être motivée par des manquements aux obligations professionnelles revêtant le caractère de faute grave » (CAA Nancy, 16 octobre 2004, Spriet, req. n° 00NC00827). Une mesure de suspension prise à l’égard d’un agent alors que les critiques formulées à l’encontre de ce dernier relèvent non du disciplinaire mais de l’insuffisance professionnelle est en principe de nature à engager la responsabilité de l’administration pour faute (voir en ce sens : CE Sect., 24 juin 1977, Dame Deleuse, req. n° 93480, publié au recueil Lebon).
En admettant, dans le même temps, la légalité de la décision de suspension et le caractère fondé du licenciement pour insuffisance professionnelle, cet arrêt confirme que le fait que certains des griefs faits à l’agent pourraient constituer des fautes disciplinaires et être sanctionnés comme telles ne fait pas obstacle à leur prise en compte dans le cadre d’un licenciement pour insuffisance professionnelle.
Références
CE 20 mai 2016, Communauté urbaine de Strasbourg, req. n° 387105, publié au Recueil