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L’intérêt à agir d’une ARS à l’encontre d’un marché public passé par un établissement public de santé

01 juillet 2016

Dans un arrêt du 2 juin 2016, le Conseil d’État a statué sur la question de recevabilité d’une agence régionale de santé (ARS) à contester la validité d’un marché public conclu par un établissement public de santé.

En l’espèce, le Centre hospitalier Émile Roux avait conclu un marché public de déconstruction, conception et réalisation, ainsi qu’un avenant réduisant le prix du marché. L’ARS d’Auvergne a ainsi saisi le juge des référés notamment sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative en application de la jurisprudence Tarn-et-Garonne du Conseil d’État (CE, 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, req. n° 358994).

Pour mémoire, cet arrêt établit une distinction entre deux catégories de tiers :

  • Les membres de l’organe délibérant de la collectivité ou du groupement de collectivités territoriales concernés et le représentant de l’État dans le département dans l’exercice du contrôle de légalité, dont leur seule qualité les rend recevable à contester la validité du contrat. Ces tiers sont régulièrement qualifiés en doctrine de privilégiés.
  • Les autres tiers, qui ne peuvent contester la validité du contrat que « s’ils sont susceptibles d’être lésés dans leurs intérêts de façon suffisamment directe et certaine par la passation du contrat ou par ses clauses».

Selon le Conseil d’État, l’ARS ne peut être assimilée à un tiers privilégié. À cet égard, le juge administratif prend notamment en compte l’absence de contrôle de l’ARS sur les marchés publics passés par les établissements publics de santé de son ressort. En effet, si le législateur a prévu que certains contrats, notamment les délégations de service public, les contrats de partenariat, les baux emphytéotiques ou encore certains contrats de location sont au nombre des actes qui peuvent être déférés par le directeur général de l’ARS au tribunal administratif, ce n’est pas le cas des marchés publics. Le Conseil d’État en déduit « qu’il suit de là qu’une agence régionale de santé ne peut, en cette seule qualité, être regardée comme justifiant d’un intérêt lui donnant qualité pour demander au juge administratif d’annuler ou de suspendre un marché public ». En conséquence, il appartient à l’ARS « comme à tout tiers, de démontrer qu’elle a été lésée dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par la passation ou les clauses d’un tel marché pour en contester la validité ou demander la suspension de l’exécution de ce marché » et le juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble était fondé à rejeté la demande de suspension comme irrecevable « au motif que cette dernière ne démontrait pas avoir été lésée dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par la passation du marché en cause et de son avenant ».

Le Conseil d’État ne précise pas en quoi l’ARS n’était pas lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine, ce qui s’explique aisément : l’ARS avait en effet affirmé dans ses écritures « que ses intérêts propres en tant que structure administrative n’étaient pas lésés par le marché litigieux ».

La lésion semblait par ailleurs difficile à caractériser. En effet, si l’ARS est chargée de la mise en œuvre de la politique de santé (ce qui implique notamment la contribution au respect de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie ou encore le contrôle du fonctionnement des établissements de santé et l’allocation de leurs ressources relevant de leur compétence, en application des articles L. 1431-1 et suivants du Code de la santé publique), et d’assurer la tutelle budgétaire de ces établissements (Articles L. 6145-1 et suivants), ces missions peuvent apparaître trop générales pour justifier une lésion suffisamment directe et certaine.

Références

CE 2 juin 2016, Ministre des affaires sociales et de la santé c/ Centre hospitalier Émile Roux, req. n° 395033,396645

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