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L’obligation pour l’administration de verser les témoignages sollicités au dossier individuel de l’agent faisant l’objet d’une procédure disciplinaire

01 décembre 2016

Par un arrêt en date du 23 novembre 2016, à mentionner aux Tables du Recueil, le Conseil d’État renforce les droits des agents publics faisant l’objet d’une procédure disciplinaire, en imposant à l’administration de verser au dossier individuel de ce dernier, les témoignages écrits qu’elle aurait sollicités afin d’établir les conséquences du comportement de l’agent en cause.

Plus précisément, le Conseil d’État étend la solution qu’il avait déjà retenue au bénéfice des salariés protégés, selon laquelle « le caractère contradictoire de l’enquête menée conformément aux dispositions de l’article R. 436-4 du code du travail impose à l’inspecteur du travail, saisi d’une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, de mettre à même l’employeur et le salarié de prendre connaissance de l’ensemble des éléments déterminants qu’il a pu recueillir, y compris les témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l’appui de la demande d’autorisation » (CE 9 juillet 2007, Sangare, req. n° 288295, Rec. T. p. 651 ; voir également CE Sect. 24 novembre 2006, Mme Rodriguez, req. n° 284208, Rec. p. 481 ; CE 15 décembre 2010, Société Fournier, req. n° 325838, Rec. p. 613 ; CE, 22 février 2012, M. A… B…, req. n° 346307, mentionné aux Tables).

S’agissant des agents publics, la jurisprudence exerçait certes déjà un contrôle sur le contenu du dossier individuel communiqué puisque, sur le fondement de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905, le Conseil d’État a pu juger que pour décider de la sanction à retenir à l’encontre de l’agent, l’autorité compétente ne pouvait se fonder sur des éléments – en l’espèce un rapport – qui n’auraient pas été préalablement versés au dossier personnel de l’agent en cause, sauf à entacher la procédure d’irrégularité, faute pour l’agent d’avoir pu obtenir la communication de l’intégralité de son dossier (CE, 8 décembre 1999, Pinte, req. n° 204270). Pour autant, il résultait de cette jurisprudence que le caractère incomplet du dossier transmis à l’agent ne pouvait vicier la procédure que s’il était démontré que la sanction prononcée l’avait été sur le fondement de pièces ne figurant pas au dossier communiqué.

C’est en cela que la décision commentée semble opérer un changement de paradigme, en relevant que s’il « ressort des pièces du dossier que l’autorité militaire a sollicité les témoignages écrits des membres de la section législation » afin d’apprécier « les conséquences du comportement » de l’agent sanctionné, « il est constant que ni le dossier disciplinaire communiqué (…) au requérant par l’auteur de la demande de sanction, ni le dossier de demande de déplacement d’office (…) ne comportaient ces témoignages pourtant utiles à sa défense » alors « qu’ils auraient dû y figurer en application des dispositions précitées de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 » et prononçant, en conséquence de la méconnaissance de ces dispositions, l’annulation de la sanction disciplinaire ainsi prononcée. Autrement dit, il semble qu’il incombe en tout état de cause à l’administration, dès lors qu’elle a sollicité des témoignages écrits, de les verser au dossier individuel de l’agent faisant l’objet d’une procédure disciplinaire, leur absence suffisant à méconnaitre les dispositions de la loi du 22 avril 1905, sans que l’agent n’ait à apporter la preuve que l’administration se serait fondée sur ces témoignages pour prononcer la sanction contestée.

Et cette solution revêt d’autant plus d’importance que la communication intégrale du dossier constitue une garantie au sens de la jurisprudence Danthony (CE, 31 janvier 2014, Mme A… B…, req. n° 369718, mentionné aux Tables).

Références

CE 23 novembre 2016, M. A… B…, req. n° 397733, mentionné aux Tables

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