Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Nouvelles précisions quant à l’assiette de réparation retenue pour indemniser le préjudice subi du fait de l’éviction illégale d’un fonctionnaire

03 avril 2017

Le fonctionnaire irrégulièrement évincé de ses fonctions pourra désormais prétendre à la réparation intégrale de son préjudice incluant la réduction de ses droits à l’indemnisation du chômage qu’il a acquis pendant la période au cours de laquelle il a été employé du fait de son éviction avant le terme contractuellement prévu, ainsi que l’a récemment jugé le Conseil d’État dans un arrêt rendu le 20 mars 2017.

Très favorable aux agents, cette solution s’inscrit en réalité dans un mouvement jurisprudentiel initié par la Section du Conseil d’État dans une décision « Commune d’Ajaccio » du 6 décembre 2013 (req. n° 365155), mettant fin au principe qui résultait de la célèbre décision Deberles (CE Ass., 7 avril 1933, req. n° 04711), et selon lequel le fonctionnaire irrégulièrement évincé ne pouvait prétendre non pas au rappel de son traitement mais à la seule réparation du préjudice subi, étant tenu compte des irrégularités éventuellement commises par l’agent pour en moduler le montant.

Cependant, cette solution, qui avait pour effet de limiter considérablement le montant des indemnités que pouvait réclamer un agent se trouvant dans une telle situation, connaissait depuis plusieurs années déjà, des infléchissements notables (voir par exemple : CAA Marseille, 20 mars 2012, M. Benjamin A…, req. n° 09MA02957 : acceptant d’indemniser le fonctionnaire de la perte d’une nouvelle bonification indiciaire ; CE Sect., 6 novembre 2002, Moyer, req. n° 227147 : indemnisant l’agent du préjudice subi au titre de « la perte de chance sérieuse d’avancement ainsi que des répercussions de celle-ci sur le montant de la pension » ; CE, 18 juillet 2008, Stilinovic, req. n° 304962 : acceptant d’indemniser le préjudice résultant de la perte d’indemnité de fonction dont le fonctionnaire requérant aurait bénéficié « s’il avait été en activité ». ; CE, 10 juin 2011, Ministre d’Etat, ministre des affaires étrangères et européennes c./ Mme Pisa, req. n° 342600).

C’est donc sans réelle surprise que le Conseil d’État a considéré, au terme d’un considérant de principe dépourvu de toute ambigüité qu’ « en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu’il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre ; que sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l’illégalité commise présente, compte tenu de l’importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l’encontre de l’intéressé, un lien direct de causalité que, pour l’évaluation du montant de l’indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l’intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l’exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l’exercice effectif des fonctions ; qu’enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l’agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d’éviction ».

Ainsi, en consacrant cette notion de perte de chance, les juges, estimant que les agents illégalement évincés ont bel et bien perdu une chance sérieuse d’exercer leurs fonctions, peuvent désormais indemniser intégralement le préjudice résultant de la perte de chance, toute aussi sérieuse, de bénéficier des avantages y afférents ; cette réparation intégrale incluant également, dorénavant, « celle de la réduction de droits à l’indemnisation du chômage qu’il a acquis durant la période au cours de laquelle il a été employé du fait de son éviction de son emploi avant le terme contractuellement prévu ».

En l’espèce, le requérant soutenait que son éviction illégale avait eu pour effet que la période d’indemnisation au titre du chômage avait débuté prématurément à la date de son éviction et pris fin dans la même mesure et soutenant, en conséquence, qu’il avait ainsi été privé, du fait de son éviction de l’exercice d’une partie de ses droits à bénéficier de l’assurance chômage.

Appliquant la solution ainsi consacrée dans sa décision du 20 mars 2017, le Conseil d’État censure la solution retenue par la Cour administrative d’appel au motif qu’elle méconnaissait le principe de la réparation intégrale du dommage subi, les juges d’appel ayant notamment considéré que la réduction des droit à l’allocation chômage du requérant du fait de son éviction illégale était sans incidence sur le montant de la réparation de son préjudice, sans rechercher si ce préjudice était en lien direct avec cette éviction et alors même que ceux-ci ont statué « à une date postérieure à l’expiration de la période d’indemnisation du chômage courant à compter du terme normal de la période d’exécution du contrat de l’intéressé », de sorte qu’ils leur incombaient alors « d’examiner si l’intéressé justifiait ou non avoir rempli durant tout ou partie de cette période, les conditions posées à l’indemnisation  du chômage (…) ».

Références

CE 20 mars 2017, M. A…B…., req. n° 393761, mentionné aux Tables.

Newsletter