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Paiement direct du sous-traitant et contrôle du maître d’ouvrage

26 février 2024

Par un arrêt du 2 février 2024 et quelques mois après avoir précisé que l’opposition de l’entrepreneur principal à la demande de paiement direct de son sous-traitant s’imposait au maître d’ouvrage (notre brève ici), le Conseil d’Etat vient rappeler les modalités de contrôle du maître d’ouvrage dans l’hypothèse d’une demande de paiement direct acceptée – tacitement – par l’entrepreneur principal, contrôle qui doit porter uniquement sur la consistance et non sur la qualité des travaux exécutés.

Un syndicat intercommunal a confié la conception et la réalisation d’une installation de traitement des fumées de son unité de valorisation des déchets à une société qui a sous-traité une partie de ses prestations à une entreprise. Cette dernière a sollicité devant le juge des référés le versement d’une provision au titre des prestations réalisées en se prévalant de l’accord tacitement acquis de l’entrepreneur principal. Déboutée en appel après avoir obtenu gain de cause en première instance, la société sous-traitante s’est pourvu en cassation contre l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon.

Pour rappel, la procédure de paiement direct et l’acceptation du paiement par l’entrepreneur principal ne font pas obstacle à ce que le maître d’ouvrage puisse « contrôler l’exécution effective des travaux sous-traités », en s’assurant que « la consistance des travaux réalisés par le sous-traitant correspond à ce qui est prévu par le marché » (v. par ex. : CE, 9 juin 2017, Société Keller Fondations Spéciales, req. n°396358, aux Tables ; CE, 27 janvier 2017, Société Beaudin Châteauneuf Dervaux, req. n° 397311 ; CE, 28 avril 2000, Société Peinture Normandie, req. n°181604, publié au Recueil). La question qui s’était posée était de savoir jusqu’où ce contrôle pouvait ou devait aller. Comme l’avait énoncé le rapporteur public Olivier Henrard dans ses conclusions sur l’arrêt Société Keller, qui avaient été suivies par la juridiction, ce contrôle ne saurait porter « sur la qualité de la prestation, c’est-à-dire sur son degré d’excellence relative, sa valeur sur une échelle de référence que constituent, par exemple, les règles de l’art. Une telle appréciation ne pourrait en effet relever que de l’entrepreneur principal, qui engage sa responsabilité vis-à-vis du maître de l’ouvrage. Mais en deçà, il y a bien matière, dans le cadre du contrôle portant sur l’exécution des travaux, à vérification de leur concordance avec les stipulations contractuelles ».

Or, en l’espèce, les juges de la Cour administrative d’appel avaient retenu qu’un certain nombre de réserves émises dans le cadre des travaux réalisés par la société EIFFAGE n’étaient pas toutes levées, même si le nombre et la nature des réserves étaient contredits, pour considérer que l’existence d’une créance non sérieusement contestable n’était pas établie. Ce raisonnement est censuré par le Conseil d’Etat, qui considère que les juges d’appel ont commis une erreur de droit, en jugeant que le maître d’ouvrage pouvait de la sorte exercer un contrôle sur la qualité des travaux exécutés par le sous-traitant.

La demande de provision est cependant rejetée au motif qu’une expertise judiciaire en cours vise à déterminer la nature et l’étendue des désordres et des défauts de conformité affectant l’unité de valorisation et que, dans ce cadre, le maître d’ouvrage reproche à l’entreprise sous-traitante le non-respect des normes reprises dans le CCTP.

Dans ces circonstances, l’absence d’obligation non sérieusement contestable n’est pas établie.

CE 2 février 2024, Société Eiffage Energie Système – IT Rhône-Alpes, req. n°475639.

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