S’inscrivant dans une logique – déjà amorcée par une jurisprudence antérieure – de protection croissante des agents publics victimes d’un accident ou d’une maladie reconnue imputable au service, le Conseil d’État a très récemment jugé, en substance, que ceux-ci ne pouvaient être admis d’office à la retraite de manière rétroactive au seul motif qu’ils auraient épuisé leurs droits à congé maladie ordinaire.
Déjà, dans une décision Centre hospitalier général de Voiron (CE 29 décembre 1997, req. n° 128851, Rec. T. p. 887 ; voir également, pour un rappel récent : CE 23 juillet 2014, Communauté de communes de Lacq, req. n° 368856), le Conseil d’État avait annulé la décision plaçant un agent victime d’un accident de service, après épuisement de ses droits à congé ordinaire, en congé longue maladie – ayant donc pour conséquence la réduction de moitié de son traitement en application des dispositions statuaires applicables (en l’espèce, l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière) – en considérant que dans cette hypothèse, le fonctionnaire avait « le droit d’être maintenue en congé maladie ordinaire avec bénéfice de son plein traitement, sans autre limitation que celles tenant à sa mise à la retraite ou au rétablissement de son aptitude de service ».
Plus récemment encore, le Conseil d’État confirmait cette dynamique en retenant, à propos d’un agent atteint d’une maladie imputable au service, que « le fonctionnaire dont les blessures ou la maladie proviennent d’un accident de service, d’une maladie contractée ou aggravée en service ou de l’une des autres causes exceptionnelles prévues à l’article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, et qui se trouve dans l’incapacité permanente de continuer ses fonctions au terme d’un délai de douze mois à compter de sa mise en congé de maladie, sans pouvoir bénéficier d’un congé de longue maladie ou d’un congé de longue durée, doit bénéficier de l’adaptation de son poste de travail ou, si celle-ci n’est pas possible, être mis en mesure de demander son reclassement dans un emploi d’un autre corps ou cadre d’emplois, s’il a été déclaré en mesure d’occuper les fonctions correspondantes ; que s’il ne demande pas son reclassement ou si celui-ci n’est pas possible, il peut être mis d’office à la retraite par anticipation ; que l’administration a l’obligation de maintenir l’intégralité de son traitement jusqu’à ce qu’il soit en état de reprendre le service ou jusqu’à sa mise à la retraite » (CE Sect. 18 décembre 2015, Mme B… A…, req. n° 374194).
C’est cette solution que le Conseil d’État a entendu préciser dans la décision commentée (qui sera mentionnée aux Tables du Recueil Lebon) en indiquant expressément, afin de couper court à toute manœuvre qui s’avèrerait moins favorable à l’agent, que dès lors que l’administration choisit, comme elle y est autorisée, d’admettre d’office un agent à la retraite, cette décision ne saurait revêtir de portée rétroactive. Autrement dit, dans cette hypothèse, la durée maximale de douze mois prévu pour le congé maladie ordinaire par l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État (mais ce qui vaudra assurément pour les deux autres fonctions publiques), ne peut être opposée à l’agent victime d’un accident de service et ainsi fonder la rétroactivité de la décision admettant d’office ce dernier à la retraite.
C’est donc logiquement que la Haute Juridiction, faisant application de ce principe à l’espèce, a censuré, sur le fondement de l’erreur de droit, la solution retenue par la Cour administrative d’appel de Marseille, qui avait retenu que le rectorat était tenu, « afin de régulariser sa situation », de placer l’agent « rétroactivement à la retraite à compter du 16 octobre 2010, à l’issue d’un congé de maladie de douze mois ».
Références