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Permis de construire provisoire : confirmation et clarification d’une solution attendue

31 octobre 2016

Par une importante décision du 7 octobre 2016, le Conseil d’État apporte d’utiles précisions sur la valeur juridique du permis de construire « provisoire » délivré sur injonction du juge des référés et sur les conditions dans lesquelles l’Administration peut le retirer.

Dans cette affaire, la commune de Bordeaux a refusé de délivrer à la société First Invest un permis de construire en vue de la réalisation d’une maison et d’un garage. La société a donc formé un recours pour excès de pouvoir afin d’obtenir l’annulation de l’arrêté de refus, ainsi qu’un référé-suspension. Par ordonnance, le Tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à la requête, prononcé la suspension de l’arrêté et enjoint au maire d’instruire à nouveau la demande de permis de construire et de se prononcer dans un délai d’un mois.

Par arrêté du 28 juillet 2014 pris en application du jugement, le maire a délivré un permis de construire, conduisant probablement la société pétitionnaire à se désister de son recours au fond près d’un an plus tard, le 10 juillet 2015. Le Tribunal ayant enregistré le désistement et informé la Commune, celle-ci a ensuite procédé au retrait du permis délivré le 28 juillet 2014. Saisi par la société First Invest, le Juge des référés a prononcé la suspension de l’exécution de l’arrêté de retrait, jugement contre lequel la Commune s’est pourvue en cassation.

Tout d’abord, le Conseil d’État procède à une synthèse des principes généraux applicables en matière de référé, rappelant que le juge du référé-suspension « ne peut, sans excéder son office, ordonner une mesure qui aurait des effets en tous points identiques à ceux qui résulteraient de l’exécution par l’autorité administrative d’un jugement annulant la décision administrative contestée ». Il précise également que les ordonnances rendues en référé sont exécutoires et obligatoires, mais qu’elles n’ont qu’un caractère provisoire. En conséquence, s’il peut être enjoint à l’Administration de procéder au réexamen de la demande ayant donné lieu au refus, elle « ne saurait légalement reprendre une même décision sans qu’il ait été remédié au vice que le juge des référés avait pris en considération pour prononcer la suspension ». Tirant les conséquences de ces principes, le Conseil d’État considère qu’« une décision intervenue pour l’exécution de l’ordonnance par laquelle le juge des référés […] a suspendu l’exécution d’un acte administratif revêt, par sa nature même, un caractère provisoire jusqu’à ce qu’il soit statué [au fond] ». Et, « eu égard à son caractère provisoire, une telle décision peut être remise en cause par l’autorité administrative ». Ainsi, en affirmant que ce principe s’applique notamment « aux décisions portant refus de permis de construire » adoptées après réexamen de la demande du pétitionnaire, le Conseil d’État consacre définitivement la notion de permis de construire provisoire, déjà évoquée en 2007 (CE 13 juillet 2007, Commune de Sanary-sur-Mer, req. n°294721).

Ensuite, l’arrêt commenté renforce le contrôle de l’urgence opéré par le juge des référés. L’on sait que celui-ci doit apprécier si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant qu’il soit suspendu sans attendre le jugement au fond. À cette analyse objective et globale, le Conseil d’État ajoute que l’urgence s’apprécie « en tenant compte, notamment, des conséquences qui seraient susceptibles de résulter, pour les divers intérêts en présence, de la délivrance d’un permis de construire provisoire à l’issue d’un réexamen de la demande ordonnée par le juge des référés ».

Enfin, le Conseil d’État précise les conditions dans lesquelles un permis de construire provisoire peut être retiré par l’Administration et distingue trois situations :

  • le permis « peut être retiré à la suite du jugement rendu au principal sur le recours pour excès de pouvoir formé contre la décision initiale de refus sous réserve que les motifs de ce jugement ne fassent pas par eux-mêmes obstacle à ce que l’administration reprenne une décision de refus». Cependant, l’arrêt impose deux garanties procédurales : le retrait doit intervenir dans un délai raisonnable de trois mois à compter de la notification à l’Administration du jugement intervenu au fond et le pétitionnaire doit, au préalable, avoir été mis à même de présenter ses observations ;
  • l’Administration peut retirer un permis provisoire « lorsque le bénéficiaire […] se désiste de son recours en annulation, mettant ainsi un terme à l’instance engagée au fond». Dans ce cas, « le délai court à compter de la notification à l’Administration de la décision donnant acte du désistement ».
  • le permis peut enfin être retiré lorsqu’il « est mis fin à la suspension par une nouvelle décision du juge des référés [article L.521-4 du CJA] ou du fait de l’exercice d’une voie de recours contre la décision du juge des référés».

Et, le permis de construire provisoire constituant une création prétorienne, le Conseil d’État en tire toutes les conséquences en précisant que les dispositions de l’article L. 424-5 du Code de l’urbanisme, qui encadrent le retrait d’un permis de construire classique « ne sont pas applicables au retrait […] d’un permis de construire délivré à titre provisoire ».

Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’État annule le jugement au motif que le Tribunal ne pouvait se fonder sur les dispositions de l’article L. 424-5 précité pour suspendre l’arrêté de retrait dans la mesure où « il ne fait état d’aucune illégalité entachant le permis […] provisoire […] et […] qu’il est intervenu au-delà du délai de trois mois […] prévu par ce même article ».

Bref, si la décision du Conseil d’État était attendue par les professionnels en ce qu’elle confirme la notion de permis de construire provisoire et détermine les modalités d’un retrait par l’Administration, reste qu’elle suscite un certain nombre d’interrogations et tend, une fois encore, à complexifier le contentieux de l’urbanisme. Il appartiendra donc aux pétitionnaires et aux services d’instructeurs de redoubler de vigilance dans le traitement des autorisations d’urbanisme, notamment en cas de contentieux.

Références

CE, 7 octobre 2016, Commune de Bordeaux, req. n°395211 – Sera publié au Recueil

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