Dans une décision du 24 mai 2017, le Conseil d’Etat rappelle utilement les principes guidant la détermination de la méthode de notation des offres, à la faveur d’un contre-exemple particulièrement topique.
En l’espèce, l’Atelier industriel de l’aéronautique (AIA) de Clermont-Ferrand a lancé, par un avis appel public à la concurrence, une procédure d’appel d’offres restreint en vue de l’attribution d’un marché de prestations de bourrellerie aéronautique sur des aéronefs militaires. La société Techno Logistique ayant été informée du rejet de son offre ainsi que des motifs de ce rejet, elle saisit le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, lequel annule la procédure de passation du marché.
Saisi d’un pourvoi du Ministre de la Défense dirigé contre cette ordonnance, le Conseil d’Etat censure le raisonnement de première instance sur le fondement de l’erreur de droit. Après avoir qualifié le marché en litige de marché de défense au sens de l’ordonnance du 6 juin 2005, le juge des référés du tribunal administratif ne pouvait annuler la procédure de passation de ce marché, mais disposait seulement de pouvoirs d’injonction et d’astreinte sur le fondement de l’article L. 551-6 du code de justice administrative.
Toutefois, réglant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat désavoue la méthode de notation des offres retenue par le pouvoir adjudicateur.
Tout d’abord, le Conseil d’État rappelle classiquement la règle de principe guidant la définition de cette méthode. En effet, si « le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu’il a définis et rendus publics (…) ces méthodes de notation sont entachées d’irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, elles sont, par elles-mêmes, de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l’ensemble des critères pondérés, à ce que l’offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie » (CE, 3 novembre 2014, Commune de Belleville-sur-Loire, req. n° 373362, Publié au recueil)
En l’espèce, l’AIA avait retenu 3 critères : le prix, pondéré à 60% ; la valeur technique, pondérée à 30% ; – la politique sociale, pondérée à 10%.
Or, s’agissant du critère prix, la méthode de notation attribuait à l’offre la plus élevée la note de 0/20, tandis que la note maximale de 20/20 était réservée à l’offre la moins-disante. Ainsi, compte tenu de la pondération élevée du critère prix, les deux autres critères s’en trouvaient nécessairement neutralisés et ne permettaient pas aux candidats de compenser l’aspect financier de leur offre, puisque l’offre la plus élevée s’en trouvait automatiquement éliminée. Le Conseil d’Etat relève ainsi que cette méthode pouvait « avoir pour effet d’éliminer l’offre économiquement la plus avantageuse au profit de l’offre la mieux disante sur le seul critère du prix ». Ce faisant, l’AIA a manqué à ses obligations de mise en concurrence.
Pour autant, un tel manquement n’était pas de nature à léser la requérante en l’espèce, dans la mesure où elle n’avait obtenu de notes supérieures à celles de l’attributaire sur aucun des trois critères. Partant, le Conseil d’Etat a rejeté les conclusions au fond de la concurrente évincée.
Références