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Précisions sur la qualification de l’infraction de recel de délit de favoritisme et sur l’indemnisation du concurrent évincé

28 avril 2017

Dans un arrêt publié du 15 mars 2017, la chambre criminelle de la Cour de cassation précise la qualification de l’infraction de recel de délit d’octroi injustifié (plus communément désigné « recel de délit de favoritisme ») et sur l’indemnisation, au plan civil, du concurrent évincé.

En l’espèce, la CCI d’Ajaccio a lancé une procédure de passation aux fins d’attribuer un marché de service de sécurité pour le palais des congrès d’Ajaccio, à laquelle deux entreprises candidatent. Passant outre l’avis de la commission d’appel d’offres et sans attendre d’avoir l’ensemble des documents qui doivent lui être communiqués par une entreprise candidate, le président de la CCI a attribué à cette dernière le marché. Manquaient notamment en l’espèce, des informations relatives au nombre de salariés et les diplômes de qualification des agents de sûreté.

Des poursuites pénales sont engagées à l’encontre du dirigeant de l’entreprise retenue pour recel du délit de favoritisme. Le président de la CCI est quant à lui décédé depuis le début des poursuites provoquant l’extinction de l’action publique mis en mouvement à son encontre.

Cet arrêt est intéressant à plusieurs titres.

Cette espèce permet tout d’abord de rappeler que si le délit de recel suppose la qualification d’une infraction d’origine, ici le délit d’octroi d’avantage injustifié, le recel est bien une infraction distincte et ne suppose donc pas la poursuite et la condamnation de l’auteur de l’infraction d’origine. À cet égard, la Cour d’appel de Bastia a bien caractérisé le délit d’octroi d’avantage injustifié en retenant que la société attributaire n’avait pas communiqué dans le délai imparti la totalité des pièces nécessaires à la constitution du dossier, leur communication postérieure étant à ce titre sans effet sur l’irrégularité de la procédure – pas de « régularisation » possible sur le plan pénal –, et que le président de la CCI a manqué à son obligation légale de vérifier la régularité de la procédure à ses différents stades violant de fait le principe de l’égalité du traitement des candidats et de transparence des procédures.

Ensuite, s’agissant de l’élément moral du délit de recel du délit de favoritisme, qui est une infraction intentionnelle, la chambre criminelle confirme la position des juges d’appel qui ont considéré que le dirigeant de la société ne pouvait invoquer sa méconnaissance des irrégularités du dossier et son ignorance de la procédure suivie alors qu’il y avait pris une part active, en procédant notamment à la recherche de personnes qualifiées, titulaires des diplômes exigés, dont la présence conditionnait la conformité du dossier, et qui ont d’ailleurs été embauchées. En effet, la caractérisation de l’élément intentionnel dans l’infraction de recel suppose de démontrer la mauvaise foi du receleur à partir de l’ensemble des constatations de faits appréciées souverainement par les juges du fond.

Enfin, concernant la réparation de l’entreprise victime, la chambre criminelle considère que le préjudice subi par le candidat qui n’a pas été retenue à raison des agissements de l’auteur d’un délit de favoritisme s’analyse en une perte de change d’être déclarée attributaire du marché. En conséquence, l’indemnité allouée à ce titre doit être mesurée à la hauteur de la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée. Ainsi, en indemnisant la perte de rémunération annuelle correspondant à l’exécution effective du marché pour lequel la candidature de la société concurrente n’avait pas été retenue, et ce faisant, l’intégralité de l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision.

Références

Cass. Crim., 15 mars 2017, pourvoi n°16-83838, publié au bulletin

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