Dans un avis du 6 novembre 2025 à publier au recueil Lebon, le Conseil d’Etat précise les conditions dans lesquelles un proche d’une victime d’un dommage corporel peut être indemnisé, y compris lorsque ses liens avec cette dernière ont été noués postérieurement à la survenance du fait générateur du dommage.
En l’espèce, le compagnon d’une personne atteinte d’une pathologie consécutive à sa vaccination contre la grippe H1N1 avait demandé auprès de l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM) une indemnisation au titre de ses préjudices d’affection et d’accompagnement. L’ONIAM lui avait opposé une décision de refus au motif qu’il avait rencontré sa compagne postérieurement à sa vaccination et l’avait donc toujours connue atteinte de sa maladie, sans qu’il soit établi que son état se serait aggravé depuis le début de leur cohabitation.
Saisi d’un recours contre ce refus, le tribunal administratif de Bordeaux a sollicité l’avis du Conseil d’État sur les questions suivantes : « Le droit à indemnisation du proche d’une personne atteinte d’un dommage corporel est-il limité aux seules situations dans lesquelles la relation nouée avec la victime principale est antérieure à la survenue du fait générateur du dommage subi par cette dernière ? Doit-il tout au moins être exclu lorsque l’intéressé avait connaissance des conséquences dommageables en résultant pour la victime principale ? Enfin, le régime de responsabilité applicable a-t-il une incidence sur la solution à retenir ? ».
Le rapporteur public, relevant que ni la théorie juridique ni une jurisprudence établie ne permettaient de dicter l’avis du Conseil d’Etat, a estimé que la solution reposera donc sur un choix de politique jurisprudentielle. Il penchait alors en faveur d’une approche ouverte à l’indemnisation des proches, considérant notamment qu’il ne relevait pas de l’office du juge de déterminer à quelle date des liens étroits se sont liés entre une victime et le proche qui demande une indemnisation.
Le Conseil d’Etat adopte quant à lui une solution mesurée. Il confirme que la circonstance selon laquelle le proche n’a noué de liens étroits avec la victime qu’après la survenue du fait dommageable (en l’espèce, la vaccination) n’est pas de nature à exclure son droit à réparation. Il précise toutefois que ce droit reste subordonné à la justification de l’existence de tels liens à la date de consolidation du dommage. L’avis ajoute qu’en cas d’aggravation du dommage, les personnes ayant noué des liens affectifs étroits avec la victime après la consolidation mais avant l’aggravation peuvent prétendre à une indemnisation, uniquement pour les préjudices liés à cette aggravation. Le Conseil d’Etat indique également, de façon pragmatique, qu’il appartient au juge administratif d’évaluer les chefs de préjudice en tenant compte de la nature des liens affectifs et de leur durée.
Enfin, l’avis précise que ces principes s’appliquent aux régimes de responsabilité pour faute ou sans faute, ainsi qu’aux régimes d’indemnisation au titre de la solidarité nationale.