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Première application du déféré « laïcité »

20 septembre 2022

Le Conseil d’Etat était saisi par la Commune de Grenoble d’une requête tendant à l’annulation de l’ordonnance du 25 mai 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble avait suspendu l’exécution de l’article 10 du règlement intérieur des piscines municipales tel que modifié par une délibération du conseil municipal de Grenoble du 16 mai 2022 en tant qu’il autorise l’usage de tenues de bains non près du corps moins longues que la mi-cuisse.

Le préfet de l’Isère avait, à la demande du ministère de l’intérieur, déféré la délibération litigieuse au contrôle du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, en se prévalant d’une atteinte grave portée aux principes de laïcité et de neutralité des services publics.

Cette décision constitue la première application du déféré dit « laïcité » prévu par l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales.

Le 5ème alinéa de l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales modifié par la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République dispose désormais que « Lorsque l’acte attaqué est de nature à compromettre l’exercice d’une liberté publique ou individuelle, ou à porter gravement atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics, le président du tribunal administratif ou le magistrat délégué à cet effet en prononce la suspension dans les quarante-huit heures. La décision relative à la suspension est susceptible d’appel devant le Conseil d’Etat dans la quinzaine de la notification. En ce cas, le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat ou un conseiller d’Etat délégué à cet effet statue dans un délai de quarante-huit heures. ».

Cette loi étend le régime du déféré préfectoral en instaurant une procédure d’urgence spécifiquement dédiée à la protection de la neutralité des services publics qui permet au juge des référés de prononcer la suspension de l’exécution d’un acte d’une collectivité territoriale dans le délai contraint de 48 heures suivant la saisine du préfet.

Le juge des référés du Conseil d’Etat rappelle le principe selon lequel le gestionnaire d’un service public peut adapter les règles d’organisation et de fonctionnement du service notamment en tenant compte des convictions religieuses de certains usagers afin de satisfaire l’intérêt général qui s’attache à ce que le plus grand nombre d’entre eux puisse accéder effectivement au service public. Cependant, cette adaptation, précise encore le juge des référés, ne doit pas porter atteinte à l’ordre public ou nuire au bon fonctionnement du service.

Le Conseil d’Etat confirme la décision du tribunal administratif de Grenoble en considérant qu’au regard du « caractère très ciblé et fortement dérogatoire à la règle commune (…) sans réelle justification de la différence de traitement qui en résulte » cette dérogation « est de nature à affecter tant le respect par les autres usagers de règles de droit commun trop différentes, et ainsi le bon fonctionnement du service public, que l’égalité de traitement des usagers ».

CE 21 juin 2022, Commune de Grenoble, req n°464648

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