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Prescription d’une action en responsabilité pour faute assimilable à une fraude ou un dol

16 novembre 2022

Par un arrêt rendu le 10 octobre 2022 à mentionner aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat rappelle que le délai de prescription d’une action en responsabilité contractuelle pour faute assimilable à une fraude ou dol, régie par les dispositions du Code civil antérieures à la réforme du 17 juin 2008, d’une part, obéit au régime de prescription trentaine et, d’autre part, court à compter de la manifestation du dommage lorsque celui-ci est intervenu avant l’entrée en vigueur de la loi de 2008.

En l’espèce, à la suite de l’effondrement d’un balcon le 25 janvier 2007 d’un des immeubles construits pour son compte, un OPH a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, par une requête du 18 septembre 2015, de condamner solidairement, sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour faute assimilable à une fraude ou un dol, l’entreprise de travaux et son assureur, la maîtrise d’œuvre et son assureur et le contrôleur technique. Cette demande de condamnation intervient à la suite d’un rapport d’expertise remis le 20 mars 2015 qui a conclu à une faute de l’entreprise. Cette dernière est condamnée en première instance, et déboutée de son appel par la Cour administrative d’appel de Versailles estimant que la prescription de l’action du maître d’ouvrage n’avait commencé à courir qu’à compter de la date du dépôt du rapport en 2015 et non en 2007, date de la manifestation du dommage.

Le Conseil d’Etat rappelle que l’article 2224 du Code civil dans sa version antérieur à la réforme du 17 juin 2008 faisait courir la prescription trentenaire « à compter de la manifestation du dommage » au contraire de celle désormais prévue par l’article 2 224 du code civil à l’issue de la réforme faisant courir une prescription de 5 ans « à compter de la date à laquelle le maître d’ouvrage connaissait ou aurait dû connaitre l’existence de cette faute ».  Or en l’espèce, le Conseil d’Etat censure le raisonnement de la Cour administrative d’appel qui avait fixé le point de départ du délai de prescription à la date de dépôt du rapport d’expertise, à laquelle l’OPH pouvait être regardé comme ayant eu connaissance du caractère dolosif du dommage. Pour rappel, la faute assimilable à un dol ou une fraude se définit comme « la violation grave par sa nature ou ses conséquences, [d’une obligation contractuelle], commise volontairement et sans qu’ils puissent en ignorer les conséquences » et ce « même sans intention de nuire » (v. CE 26 novembre 2007, Société Les Travaux du Midi, req. n°266423, au Recueil ; CE Sect. 24 mai 1975, Société Paul Millet et Cie : Rec. p. 310).

Pour le Conseil d’Etat, l’action en responsabilité d’une telle faute pour un fait générateur antérieur à la loi de 2008 obéissait à l’ancien régime qui fixe le point de départ du délai de prescription à compter de la manifestation du dommage. 

Le Conseil d’Etat annule donc l’arrêt de la Cour administrative d’appel et renvoie l’affaire devant cette même juridiction.

CE 10 octobre 2022, Société Eiffage Construction, req. n°454446, au Tables

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