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Preuve de la propriété : un acte notarié ne fait pas tout

03 octobre 2024

La preuve de la propriété par l’effet d’une prescription trentenaire constatée dans un acte notarié n’est pas suffisante pour permettre au juge des référés, juge de l’évidence, d’ordonner une mesure d’expulsion.  

 

Un différend opposait deux personnes au sujet de la propriété d’un bien immobilier. L’une d’elles, s’appuyant sur un acte notarié, sollicitait l’expulsion en référé de l’autre qui faisait état d’une usucapion (prescription acquisitive).

Dans sa décision, confirmée par la Cour d’appel, le premier juge a fait droit à la demande d’expulsion présentée, considérant l’acte de notoriété suffisant pour établir la propriété.

La Cour de cassation, au visa des articles 432 du code de procédure civile de la Polynésie française (équivalent de l’article 835 du Code de procédure civile) et 2229 du code civil, a cassé cette décision au motif que le trouble manifestement illicite n’était pas suffisamment établi dès lors qu’un doute existe sur le droit invoqué pour justifier la mesure.

Plus précisément, la Cour retient qu’aux termes du premier de ces textes, le président peut toujours prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Aux termes du second, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.

Or, d’une part, le caractère manifestement illicite du trouble n’est pas établi lorsqu’un doute sérieux existe quant au droit revendiqué par le demandeur.

D’autre part, il est jugé que l’existence d’un acte notarié constatant une usucapion est insuffisante pour établir celle-ci et il appartient à la personne qui revendique un droit de propriété d’en rapporter la preuve en établissant des actes matériels de possession (3e Civ., 11 juin 1992, pourvoi n° 90-16.439, Bull. 1992, III, n° 199).

En l’espèce, pour dire que le trouble invoqué par le demandeur est manifestement illicite et ordonner l’expulsion des occupants de l’immeuble, les juges du fond ont estimé qu’à ce stade du procès, l’acte notarié, qui vaut jusqu’à inscription de faux, conserve tous ses effets probants.

Pour la Cour de cassation, en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si cet acte notarié ne se bornait pas à constater une usucapion, de sorte qu’il était insuffisant à fonder sans doute sérieux le droit revendiqué par le demandeur, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

 

Cass. 3ème civ., 12 septembre 2024, n°23-11.543, Publié au bulletin

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