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Question prioritaire de constitutionnalité dans le cadre de l’action en démolition issue de la loi n°2015-990 du 6 août 2015

02 octobre 2017

Par une décision en date du 12 septembre 2017, la Cour de cassation a transmis une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel, concernant le nouveau régime d’action en démolition des ouvrages dont le permis de construire a été annulé.

L’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme issu de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, pose deux conditions cumulatives permettant au juge judiciaire d’ordonner la démolition d’un ouvrage méconnaissant les règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique :

  • l’annulation préalable, par le juge administratif, du permis de construire en cause ;
  • l’implantation de l’ouvrage en question sur une des zones énumérées telles que les sites remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, les cœurs des parcs nationaux spécifiquement délimités, les aires de mise en valeur de l’architecture, ou encore les sites « natura 2000 », la liste limitative étant précisée dans l’article 480-13.

La première condition ressortait déjà de la loi n° 76-1285 du 31 décembre 1976, et imposait au juge judiciaire de renvoyer la question de la légalité du permis de construire au juge administratif. Les termes inchangés de cette disposition permettent, encore aujourd’hui, d’exclure un certain nombre d’actions en démolition devant le juge judiciaire, telle que l’action fondée sur la violation d’un cahier des charges (Civ. 3e, 3 avril 2002, n°00-21.156), ou encore l’action fondée sur le trouble anormal de voisinage (Civ. 3e, 20 juillet 1994, n°92-21.801), qui ne sont donc pas soumis à une saisine préalable du juge administratif.

Seule la violation des règles d’urbanisme, ou d’une servitude d’utilité publique doit, donc, faire l’objet d’un renvoi préjudiciel devant le juge administratif (par exemple : CE 12 février 2003, Goetz, req. n°228659). Si cette condition pose donc une forte restriction contentieuse concernant l’action en démolition, elle ne limite pas les conséquences de l’illégalité de la construction d’un ouvrage, qui est, logiquement, sa démolition.

C’est la seconde condition posée à l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme, issue de l’article 111 de la loi du 6 août 2015 précitée, qui vient considérablement restreindre le champ d’application des actions en démolition devant le juge judiciaire. Afin de sécuriser au mieux les opérations d’urbanisme, et d’éviter au maximum les risques de démolition de l’ouvrage construit, le législateur a opéré un renversement du principe même de l’action en démolition, qui ne pourra être ordonnée que si l’ouvrage a été érigé sur l’une des zones strictement énumérées. Rappelons à ce titre que la Cour de cassation a récemment jugé que cette disposition devait s’appliquer de façon immédiate, et notamment aux procédures en cours au moment de l’entrée en vigueur de la loi (Civ. 3e, 23 mars 2017, n° 16-11.081).

C’est dans ce contexte juridique que la Cour de cassation a eu à s’interroger sur l’opportunité de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité relative à cette deuxième condition. En l’espèce, deux associations, « Entre Seine » et « Brotonne et Estuaire Sud », ayant obtenu l’annulation de permis de construire accordés à M. et Mme G. devant le juge administratif, ont saisi le juge judiciaire aux fins d’obtenir la démolition des constructions devenues illégales. Seulement, ces ouvrages n’étant pas situés dans l’une des zones énumérées par l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme, le juge judiciaire ne peut, en principe, ordonner la démolition de l’ouvrage.

La Cour de cassation s’est alors vue saisie d’une QPC, transmise par le Tribunal de grande instance d’Évreux, qu’elle a transmis, à son tour, au Conseil constitutionnel en ce qu’elle « présente un caractère sérieux en ce que, en interdisant, en dehors des zones limitativement énumérées, l’action en démolition d’une construction, réalisée conformément à un permis de construire annulé, à l’origine d’un dommage causé aux tiers ou à l’environnement par la violation de la règle d’urbanisme sanctionnée, ces dispositions sont susceptibles de porter une atteinte disproportionnée au droit à réparation des victimes d’actes fautifs et à leur droit à un recours juridictionnel effectif garantis par les articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et de méconnaître les droits et obligations qui résultent de l’article 4 de la Charte de l’environnement ».

La décision du Conseil Constitutionnel sera rendue dans les prochains mois.

Cass. Civ. 3e, 12 septembre 2017, n°17-40.046

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