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Recours abusif en matière de contestation d’un permis de construire : l’absence de qualité pour agir du requérant ne permet pas de qualifier son recours d’abusif, dès lors qu’il avait intérêt à agir

06 novembre 2017

Par une décision en date du 16 octobre 2017, le Conseil d’État apporte une utile précision quant à la qualification d’un recours comme abusif au sens de l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme. Cette disposition, prévoyant la possible condamnation d’un requérant à indemniser les préjudices subis par le bénéficiaire du permis de construire, de démolir, ou d’aménager contesté, pose trois conditions à son application :

  • une action judiciaire qui, par sa mise en œuvre, excède les intérêts légitimes du requérant ;
  • l’existence d’un préjudice excessif pour le bénéficiaire ;
  • une demande expresse du bénéficiaire, par un mémoire distinct.

Si le caractère excessif du préjudice fait l’objet de certaines précisions par les juridictions administratives (CAA Marseille 20 mars 2014, SAS Amétis, req. n° 13MA02161), c’est surtout la notion d’excès des intérêts légitimes qui fait l’objet de la plus grande attention des juges, notamment dans le cadre d’irrecevabilité des requêtes. Ainsi, pour qualifier un recours comme excédant les intérêts légitimes du requérant, le juge administratif se fonde régulièrement sur le défaut d’intérêt à agir (CE 5 juillet 2013, SCI Liberty, req. n° 354026 ; CE, 27 juillet 2012, SAS Bricorama France, req. n°353596). La tardiveté de la requête, si elle est accompagnée d’une absence de fondement, permet aussi d’identifier cet excès exigé par l’article L. 600-7 précité (CAA Versailles, 17 octobre 2013, SCI Le Gambetta, req. n° 11VE02275). À l’inverse l’existence d’un intérêt à agir pouvait amener le juge à considérer la requête comme n’excédant pas les intérêts légitimes du requérant (CAA Marseille, 16 octobre 2015, M. et Mme F et autres, req. n°14MA01001 ; CAA Lyon, 3 novembre 2015, M. e, req. n°14LY00610).

En l’espèce, la Ville d’Avignon avait délivré à l’Office public de l’habitat de cette même ville un permis de construire un ensemble immobilier qui a été contesté par un syndicat des copropriétaires d’un immeuble voisin, par la voie du recours pour excès de pouvoir. Le Syndic, agissant au nom et pour le compte du syndicat, n’ayant pas justifié de sa qualité pour agir, le Tribunal administratif, comme la Cour administrative d’appel ont rejeté comme irrecevable le recours. Saisi par l’Office public de l’Habitat, le Conseil d’État a, d’abord, constaté l’existence d’un intérêt à agir des requérants, pour ensuite écarter les prétentions de l’OPH.

Précisément, par cette nouvelle décision du 16 octobre 2017 qui sera mentionnée aux Tables, le Conseil d’État apporte une précision bienvenue quant au lien entre irrecevabilité et recours abusif et confirmer l’importance de l’intérêt à agir dans la qualification d’un recours comme abusif en matière de contentieux de l’urbanisme, en considérant que l’absence de qualité pour agir d’un requérant disposant d’un intérêt pour agir « ne suffit pas à ce que les recours […], puissent être regardés comme ayant été mise en œuvre dans des conditions excédant la défense de ses intérêts légitimes ».

Le Conseil d’État écarte donc tout lien systématique entre l’irrecevabilité d’un recours et son caractère abusif, et confirme l’importance de l’intérêt à agir dans le contrôle de l’intérêt légitime des requérants.

CE 16 octobre 2017, Office public de l’habitat de la ville d’Avignon , req. n° 396494, aux Tables

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