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Régularisation et annulation partielle de la délibération approuvant un PLU : le cumul est possible !

31 octobre 2016

Par une décision du 12 octobre 2016, le Conseil d’État apporte d’utiles précisions sur les pouvoirs du juge administratif en contentieux de l’urbanisme, notamment l’articulation entre annulation d’une délibération approuvant un PLU et possibilité de la régulariser sur le fondement de l’article L. 600-9 du Code de l’urbanisme.

Dans cette affaire, un habitant de la commune de Saint-Michel-Chef-Chef a formé un recours tendant à l’annulation de la délibération du conseil municipal du 16 décembre 2010 approuvant le PLU. Si le Tribunal a rejeté la demande, la Cour administrative d’appel de Nantes a sursis à statuer et enjoint à la Commune d’adopter une délibération régularisant l’insuffisance de la note explicative transmise aux conseillers municipaux préalablement à l’adoption de la délibération litigieuse ; seul moyen, selon elle, de nature à entraîner l’annulation de la délibération, mais régularisable en vertu de l’article L.600-9. La Commune s’étant conformée à l’arrêt avant-dire droit en adoptant une nouvelle délibération, la Cour a rejeté l’appel. En conséquence, le requérant a formé deux pourvois dirigés contre ces deux arrêts.

D’une part, le Conseil d’État rappelle que « la circonstance qu’une nouvelle délibération du conseil municipal soit nécessaire ne [peut] faire obstacle à ce qu’une irrégularité de la délibération initiale soit régularisée ». C’est donc à raison que la Cour, jugeant le vice régularisable, a sursis à statuer jusqu’à ce que la Commune adopte une nouvelle délibération, sur le fondement de l’article L.600-9 précité.

D’autre part, le Conseil d’État souligne que la Cour a commis une erreur de droit en fondant son arrêt sur des dispositions qui n’étaient pas entrées en vigueur à la date de la délibération litigieuse, s’agissant de la délimitation des zones Nh. Toutefois, « la circonstance que le juge décide l’annulation partielle d’une délibération approuvant un plan local d’urbanisme au motif que certaines dispositions divisibles de ce plan sont entachées d’illégalité ne saurait faire obstacle, par elle-même, à ce que, pour le reste de la délibération, il fasse application des dispositions de l’article L.600-9 du Code de l’urbanisme, si les conditions qu’elles posent sont remplies ».

En d’autres termes, il est possible d’annuler une partie de la délibération pour un motif, tout en invitant l’Administration à régulariser un autre vice affectant ladite délibération, pourvu que les dispositions conduisant à l’annulation partielle soient divisibles du PLU. Et tel était précisément le cas en l’espèce puisque « les zones Nh […] représentent […] moins de 33 hectares sur les 1.592 hectares classés en zones naturelle ou agricole de la commune [et] sont divisibles des autres dispositions du plan local d’urbanisme ». Ainsi, « l’annulation qui pourrait […] être prononcée […] ne pourrait, en tout état de cause, être que partielle ».

Tirant les conséquences de ces principes, le Conseil d’État censure l’arrêt avant-dire droit en tant qu’il n’applique pas les dispositions pertinentes s’agissant de la création des zones Nh, mais confirme que « la Cour n’a commis aucune erreur de droit en faisant application des dispositions du 2° de l’article L.600-9 du Code de l’urbanisme pour le reste de la délibération ». Et en toute logique, l’arrêt mettant fin à l’instance d’appel est également censuré pour le même motif.

Par ailleurs, l’arrêt commenté fournit des précisions intéressantes s’agissant de la notion de « conseiller intéressé ». Rappelons qu’aux termes de l’article L2131-11 du CGCT, « sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ». En l’espèce, le requérant soutenait que la participation au vote d’une conseillère municipale dont le mari était gérant d’un supermarché de la commune a entaché d’irrégularité la délibération. Toutefois, le Conseil d’État rejette le moyen au motif que la participation aux travaux préparatoires, aux débats ou au vote d’un « conseiller intéressé » n’est susceptible de vicier la délibération que s’il « a été en mesure d’exercer une influence sur la délibération ». Et, « s’agissant d’une délibération déterminant des prévisions et règles d’urbanisme applicables dans l’ensemble d’une commune, [un tel vice n’est avéré que si], du fait de l’influence que ce conseiller a exercée, la délibération prend en compte son intérêt personnel ». Cette situation se matérialise notamment lorsque le conseiller a « pris une part active aux débats relatifs [au PLU] », ce qui n’était pas le cas en l’espèce puisque l’élue en cause avait seulement pris part au vote. Ainsi, son intérêt se confondait avec « ceux de la généralité des habitants de la commune ».

Bref, du point de vue du contentieux de l’urbanisme, cette décision est bienvenue puisqu’elle conforte la possibilité pour le juge administratif de préserver autant que possible les documents d’urbanisme en régularisant les vices pouvant l’être, en prononçant des annulations partielles et en autorisant la conjugaison de ces deux solutions.

Références

CE, 12 octobre 2016, M. Kerwer, req. n°387308 – Sera publié au Recueil

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