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Un Maire peut refuser de délivrer un permis de construire en cas de risque d’atteinte à la sécurité publique, même si le terrain d’assiette du projet n’est pas classé en zone à risques.

29 février 2016

Par un arrêt du 15 février 2016, le Conseil d’État apporte des précisions intéressantes sur la marge d’appréciation dont dispose une commune pour refuser de délivrer un permis de construire lorsque le terrain d’assiette du projet est situé dans une zone exposée aux risques d’inondation et couverte par un Plan de Prévention des Risques Naturels Prévisibles (PPRNP).

En l’espèce, un particulier a sollicité la délivrance d’un permis de construire un ensemble immobilier de cinq logements sur un terrain situé le long de la rivière La Fecht, sur le territoire de la commune d’Ingersheim. Le Maire a refusé de faire droit à la demande au motif que le terrain d’assiette étant partiellement classé par le PPRNP en « zone inondable par débordement de la rivière en cas de crue centennale, délimitée par une bande de quinze mètres », le projet était de nature à porter atteinte à la sécurité publique au sens de l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme. En effet, si certaines des constructions prévues se situaient hors de la bande de 15 m, le projet prévoyait que « plusieurs places de parking et des terrasses installées au niveau du sol et accessibles du rez-de-chaussée des immeubles à construire seraient situées en zone « bleu foncé », particulièrement inondables ». En outre, les crues précédentes avaient conduit à la submersion des parties inférieures du terrain d’assiette.

Saisi d’un recours tendant à l’annulation du refus de délivrance du permis de construire, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la requête et confirmé la décision du Maire ; la Cour administrative d’appel de Nancy confirmant le jugement.

Rejetant le pourvoi formé par le pétitionnaire, le Conseil d’État rappelle que les prescriptions d’un PPRNP s’imposant aux autorisations d’urbanisme, la commune n’est pas tenue de les reprendre dans le cadre de la délivrance d’un permis de construire. En revanche, il lui appartient, « si les particularités de la situation l’exigent, de préciser dans l’autorisation, le cas échéant, les conditions d’application d’une prescription générale contenue dans le plan ou de subordonner, en application des dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, la délivrance du permis de construire sollicité à d’autres prescriptions spéciales, si elles lui apparaissent nécessaires, que celles qui résultent du plan de prévention des risques naturels prévisibles » (pour d’autres exemples, voir CE, 17 juin 2015, Mme Lorenzi-Scotto, req. n°370181 ; CE, 4 mai 2011, Commune de Fondettes, req. n°321357).

Surtout, le Conseil d’État fournit des précisions sur la marge de manœuvre dont dispose une commune lorsqu’elle apprécie la compatibilité d’un projet avec les dispositions de l’article R.111-2. Ainsi, elle peut, « si elle estime, au vu d’une appréciation concrète de l’ensemble des caractéristiques de la situation d’espèce qui lui est soumise et du projet pour lequel l’autorisation de construire est sollicitée, y compris d’éléments déjà connus lors de l’élaboration du plan de prévention des risques naturels, que les risques d’atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique le justifient, refuser […] de délivrer un permis de construire, alors même que le plan n’aurait pas classé le terrain d’assiette du projet en zone à risques ni prévu de prescriptions particulières qui lui soient applicables ».

En résumé, si la Commune estime que le projet est de nature à porter atteinte à la sécurité publique, elle peut refuser de délivrer un permis de construire alors même que les prescriptions du PPRNP ne s’y opposent pas et que le terrain d’assiette du projet n’est pas classé en zone à risques. Ce faisant, le Conseil d’État confère à l’Administration une plus grande marge de manœuvre dans l’appréciation des projets de construction qui lui sont soumis, celle-ci pouvant adopter une position plus restrictive que celle retenue dans le PPRNP.

Références :

CE, 15 février 2016, M. Nessmann, req. n°389103 (Mentionné au recueil Lebon)

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