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Une nouvelle pierre à l’édifice jurisprudentiel du régime du collaborateur occasionnel du service public

01 février 2017

En accordant le bénéfice de la protection fonctionnelle aux collaborateurs occasionnels du service public, le Conseil d’État par sa décision du 13 janvier 2017, Fievet, consolide, sur le modèle du régime applicable aux agents publics, la protection accordée aux tiers amenés à participer à l’exercice d’une mission de service public.

Cette décision consacre d’abord un nouveau pan du régime des collaborateurs occasionnels du service public.

En effet, le régime du collaborateur occasionnel du service public, notion apparue dans la jurisprudence dès le début du 20ème siècle, a connu sa première révolution avec la décision Commune de Saint-Priest-la-Plaine (CE, ass. 22 novembre 1946, Req. n° 74725, Lebon 279) par laquelle le Conseil d’État reconnaît l’existence d’un principe général de prise en charge, même en l’absence de toute faute, des dommages subis par les collaborateurs occasionnels ou bénévoles du service public. En ce sens, la décision Fievet constitue une deuxième révolution en tant qu’à côté de la logique indemnitaire qui préside à un régime de responsabilité sans faute, elle confère une logique statutaire au régime des collaborateurs occasionnels en leur accordant le bénéfice de la protection fonctionnelle, attribut d’abord réservé aux fonctionnaires avant d’être élargi aux agents publics (CE Ass. 16 octobre 1970, Époux Martin) – sur cette question, voir ici.

Cette décision marque ensuite un nouveau pas dans l’appréhension libérale par la jurisprudence de la notion de collaborateur occasionnel. En effet, si la reconnaissance de la qualité de collaborateur occasionnel nécessite en principe de justifier d’une collaboration effective, occasionnelle directe et désintéressée à une mission de service public, ces critères sont interprétés de façon extensive par la jurisprudence.

D’abord, le critère tiré du comportement désintéressé du collaborateur, soucieux uniquement de la préservation de l’intérêt général a subi une double entaille. D’une part, la jurisprudence a progressivement admis que le fait d’intervenir pour porter secours à un membre de sa famille en situation de danger n’était pas par principe de nature à priver celui qui agissait de la qualité de collaborateur occasionnel ou bénévole du service public (CE 22 juin 1984, Mme Nicolaï, Lebon T. 729). D’autre part, une personne rémunérée sur la base d’un contrat pour sa participation au service public peut néanmoins dans certaines conditions se voir reconnaître la qualité de collaborateur occasionnel du service public (CE Sect., 12 octobre 2009, Chevillard et Cts Bancherelle, req. n° 297075).

Ensuite, sur le critère du service public, la jurisprudence a une acception large tant du point de vue de l’activité en cause que de celui du lien exigé avec la personne publique (même décision). Enfin selon une formule empruntée aux grands arrêts de la jurisprudence administrative (GAJA), la jurisprudence a admis dans certaines conditions le passage des « collaborateurs obligés » aux « collaborateurs spontanés ».

En ce sens, la décision Fievet s’inscrit dans la droite ligne de cette conception libérale du collaborateur. Le Conseil d’État déduit la qualification de collaborateur occasionnel des seules dispositions d’un arrêté portant fixation des modalités d’application de l’article 391 du code des douanes relatif à la répartition des produits des amendes et confiscations. Autrement dit, la seule qualité d’« aviseur des douanes » suffit à reconnaître au tiers la qualité de collaborateur occasionnel indépendamment des circonstances de son intervention laquelle était en l’espèce « dépourvue de tout lien avec les fonctions exercées en cette qualité». En effet, en l’espèce, les faits pour lesquels le collaborateur sollicitait la protection fonctionnelle consistait dans le trafic de drogue pour lequel il a été condamné. Partant, la définition du collaborateur comme « le bras séculier de la société en un endroit et à un moment déterminés » (Répertoire Dalloz, responsabilité puissance publique : « Collaborateurs occasionnels ou bénévoles du service public » ) s’en trouve altérée.

Pour autant, la logique demeure celle de « n’accorder le bénéfice de ce régime que pour autant que la personne qui est intervenue l’a fait réellement par esprit de civisme » (idem). Néanmoins, le Conseil d’État focalise désormais son contrôle non plus sur les critères d’identification du collaborateur mais sur les conditions d’application de la protection fonctionnelle laquelle est exclue en cas de faute personnelle. À cet égard, on retrouve la même terminologie (« dépourvus de tout lien avec le service ») que celle employée pour identifier une faute personnelle de l’agent public commise dans le service mais qui révèle un comportement incompatible avec l’exercice des fonctions (CE 12 avril 2002, Papon req.n° 23868 ; CE 18 novembre 1949 Mlle Mimeur, req. n°91864). Partant, la jurisprudence marque un pas supplémentaire dans le rapprochement du régime des collaborateurs avec celui des agents publics.

Pour le reste, le Conseil d’État entérine les évolutions de sa jurisprudence en admettant que la collaboration peut consister « à fournir spontanément ou à la demande de l’administration des renseignements » et en affirmant sans équivoque que le caractère rémunérateur de l’activité ne fait pas obstacle à la reconnaissance de la qualité de collaborateur occasionnel du service public.

Références

CE 13 janvier 2017, M. B…, req. n° 386799, sera publié au Recueil

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