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Le Conseil d’État précise les conditions de conclusion d’une concession provisoire sans publicité ni mise en concurrence

05 mars 2018

Par une décision du 5 février 2018, le Conseil d’État précise les conditions dans lesquelles une autorité concédante peut conclure une concession provisoire en l’absence de toute procédure de publicité et mise en concurrence.

Dans cette affaire, la ville de Paris avait conclu une première concession d’exploitation de mobiliers urbains avec la société Somupi, annulée par le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Paris (dont l’ordonnance avait été confirmée par le Conseil d’État, par une décision précédemment commentée dans cette rubrique). En conséquence, la ville de Paris a conclu une seconde concession avec cette même société Somupi, sans publicité ni mise en concurrence, en se fondant sur la jurisprudence du Conseil d’État selon laquelle « en cas d’urgence résultant de l’impossibilité dans laquelle se trouve la personne publique, indépendamment de sa volonté, de continuer à faire assurer le service par son cocontractant ou de l’assurer elle-même, elle peut, lorsque l’exige un motif d’intérêt général tenant à la continuité du service, conclure, à titre provisoire, un nouveau contrat de concession de services sans respecter au préalable les règles de publicité prescrites » (CE 14 février 2017 Grand Port Maritime de Bordeaux et Société de manutention portuaire d’Aquitaine, req. n° 405157). Les sociétés Clear Channel France et Exterion Media France, concurrentes de la société Somupi, ont donc de nouveau saisi le juge du référé précontractuel. Par deux ordonnances identiques du 5 décembre 2017, le juge du référé précontractuel a annulé cette seconde concession.

Saisi en qualité de juge de cassation, le Conseil d’État était amené à examiner si les conditions de conclusion d’une concession provisoire sans publicité ni mise en concurrence, qu’il avait lui-même dégagées, étaient remplies.

La réponse est négative, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, le Conseil d’État rappelle que cette dérogation à l’obligation de mise en concurrence ne peut être mise en œuvre qu’en présence de motifs d’intérêt général tenant à des impératifs de continuité du service public, de sorte que l’intérêt financier invoqué par la ville de Paris ne pouvait pas être retenu. Ensuite, il affirme qu’au cas présent, le motif tiré de la continuité du service public de l’information municipale n’était pas caractérisé puisque la ville de Paris dispose d’une grande diversité de moyens de communication, de sorte que l’absence de concessionnaire pour l’exploitation du mobilier urbain n’est en réalité pas susceptible de porter atteinte à la continuité de ce service public. Enfin, à titre surabondant, le Conseil d’État relève que la situation d’urgence invoquée par la ville de Paris n’est pas indépendante de sa volonté puisqu’elle n’a engagé une nouvelle procédure de passation que sept mois après l’annulation de la première concession.

En définitive, le Conseil d’Etat valide l’appréciation du juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Paris, et considère que les des conditions de conclusion d’une concession provisoire sans publicité ni mise en concurrence n’étaient pas remplies. De manière générale, le Conseil d’État semble faire une application stricte des conditions de mise en œuvre de cette exception au principe de mise en concurrence des concessions.

Par ailleurs, les auteurs du pourvoi ont également tenté de justifier la conclusion d’une concession sans mise en concurrence, à titre subsidiaire, sur le fondement de l’article 11 du décret n° 2016-86 du 1er février 2016 qui dispose que « Les contrats de concession peuvent être conclus sans publicité ni mise en concurrence préalables dans les cas suivants : 1° Le contrat de concession ne peut être confié qu’à un opérateur économique déterminé pour des raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection de droits d’exclusivité ». Sur ce point, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Paris avait estimé qu’il appartenait à la ville de Paris d’établir que seule la société Somupi pouvait se voir confier la concession provisoire pour des motifs techniques, et que tel n’était pas le cas en l’espèce. Le Conseil d’État estime qu’en faisant peser la charge de la preuve sur l’autorité concédante, le tribunal n’a pas commis d’erreur de droit.

Au total, le Conseil d’État valide l’intégralité du raisonnement du juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Paris, et rejette les pourvois en cassation de la ville de Paris et de la société Somupi.

CE 5 février 2018 Ville de Paris, req. n° 416581, sera mentionné dans les tables du recueil Lebon

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